"Véronique Meyer : traditionnellement reconnu pour être le portrait de Jacques Henri de Durfort, maréchal de Duras (1625-1704), identification justifiée seulement par une inscription manuscrite au dos du montage (Mr. le maréchal de Duras) ce pastel est le portrait de son frère cadet, Guy Aldonce de Durfort, plus connu sous le nom de maréchal de Lorge, et il peut être donné au pastelliste Pierre Simon (Le portrait au pastel du maréchal de Lorge par Pierre Simon (1640-1710), Revue du Louvre, La Revue des Musées de France, 3, 1992 juillet, p. 41-45).
Neil Jeffares : attribution à Pierre Simon et l'identification du modèle, Guy Aldonce de Durfort, duc de Lorge (1630-1702), (Dictionary of pastellists before 1800, Londres, 2006, p. 501).
Œuvres en rapport : Le portrait a été gravé dans le même sens par son auteur Pierre Simon, probablement vers 1675 si l'on en juge par l'âge du modèle (Paris, BnF,Est., N3, Lorge). Il a également été copié à l'huile dans les années 1830 pour les galeries historiques du château de Versailles par Jean-Pierre Franque (Château de Versailles, inv. MV 8246 G. Constans, 1995, I,p. 339, no 1924, repr.) et par Clotilde Juillerat née Gérard (Château de Versailles, inv. MV 1077. Ibid., I, p. 497, no 2810, repr.) comme figurant Jacques Henri de Durfort, duc de Duras (1625-1704), maréchal de France.
L'inscription portée au dos du carton sur lequel est collée la feuille du pastel a longtemps conduit à reconnaître dans ce beau modèle masculin le duc de Duras, Jacques Henri de Durfort (1625-1704). Lors de l'ambitieux chantier d'iconographie nationale voulu par le roi Louis-Philippe pour son musée dédié à toutes les gloires de la France installé au château de Versailles, l'œuvre avait été la source d'inspiration des copies destinées à pérenniser les traits du célèbre militaire dans les salles des maréchaux. L'identification a prévalu jusqu'à ce que Véronique Meyer la corrige et redonne l'œuvre à son véritable auteur. Le portrait a en effet été peint et gravé par Pierre Simon. La lettre de l'estampe le confirme. Aussi, plutôt que le maréchal de Duras, il faut reconnaître son frère cadet Guy Aldonce de Durfort, duc de Lorge. Fils de Guy Aldonce Ier (1605-1665) et d'Élisabeth de La Tour d'Auvergne, ils avaient tous deux embrassé la carrière militaire comme leur oncle Turenne et s'étaient distingués sur le champ de bataille. Jacques Henri avait été nommé maréchal de France en 1675 après avoir participé à la campagne de Franche-Comté, province dont il était devenu le gouverneur. Guy Aldonce s'était couvert de gloire à Altenheim et avait obtenu le titre de maréchal en 1676. Sa fille Marie-Gabrielle (1678-1743) avait épousé le 8 mai 1695 le duc de Saint-Simon. Ce dernier nous a laissé dans ses mémoires un portrait flatteur de son beau-père (cité par Meyer,1992, p. 45-46) : « On n'a point connu une plus belle âme, ni un cœur plus grand ni meilleur que le sien, et cette vérité n'a point trouvé de contradicteurs, jamais un plus honnête homme, plus droit, plus égal, plus uni, plus simple, plus aise de servir et d'obliger et bien rarement aucun qui le fut autant... Avec une énonciation peu heureuse et un esprit peu brillant et peu soucieux de l'être, c'était le plus grand sens d'homme et le plus droit qu'il fut possible, et qui, avec une hauteur naturelle qui ne se faisait jamais sentir qu'à propos, mais que nulle considération aussi n'en pouvait faire rien rabattre, dédaignant les routes les plus utiles si elles n'étaient frayées par l'honneur le plus délicat et la vertu la plus épurée... Ses vues étaient vastes, ses projets concertés et démontrés ; une facilité extrême à manier ses troupes...Jamais avec lui de gardes superflues, de marches embarrassées ou inutiles, d'ordres confus... Plus jaloux de la gloire d'autrui que de la sienne, il la donnait tout entière à qui la méritait, et sauvait les fautes avec une bonté paternelle. Aussi était-il adoré, dans les armées, les troupes et des officiers généraux et particuliers... Mais ce qui est bien rare, c'est que la cour, si jalouse, et où chacun est si personnel, ne le chérissait pas moins, et qu'excepté M. de Louvois, et encore sur le compte de M. de Turenne, il n'eut pas un ennemi, et s'acquit l'estime universelle jusqu'à une sorte de vénération... Le Roi même, qui l'aimait, le ménageait ; il lui disait sans détour toutes les vérités que ses emplois l'obligeaient à ne lui point dissimuler, et il en était cru par l'opinion générale de sa vérité... Partout il vivait non seulement avec toute sorte de magnificence, mais avec splendeur, sans intéresser en rien sa modestie et sa simplicité naturelle : aussi jamais homme si aimable dans le commerce, si égal, si sûr, si aise d'y mettre tout le monde, ni plus honnêtement gai ; aussi jamais homme si tendrement, si généralement, si amèrement ni si longuement regretté. » De plusieurs années antérieur à cet éloge, le portrait au pastel témoignait déjà de cette profonde bienveillance par la douceur du regard et le léger sourire. Lorsque Pierre Simon en avait donné la version gravée au burin, il avait bien pris soin d'indiquer le nom du modèle mais aussi de spécifier qu'il était l'auteur du portrait peint. La lettre de l'estampe précisait en effet : « P. Simon ad vivum ping[ebat] et sculp[sit] ». Ce travail en présence du modèle expliquait en grande partie le caractère psychologique de l'effigie. Formé par Robert Nanteuil, Simon s'était peu à peu appliqué à reproduire en gravure ses propres portraits dessinés ou peints. Sous l'influence de son maître, il avait alors utilisé le pastel pour fixer les traits de ses modèles. Étudié par Véronique Meyer, l'inventaire après décès de l'artiste faisait effectivement mention parmi ses biens de « boîtes de pastel » et de plusieurs œuvres exécutées dans cette technique, un « pastel du roy dans sa bordure dorée » prisé 2 livres, « douze pastels représentant différents personnages » prisés 4 livres et « trente-sept portraits au pastel en un paquet » prisés 37 livres (Meyer, 1992, p. 42). Brillant dans son exécution et dans sa capacité à fixer la ressemblance et l'âme de ses modèles, Simon connut rapidement un succès certain qui lui valut en 1683 le titre de « graveur du roi », puis, vers 1691,de « graveur ordinaire de sa majesté ». Dès 1685, il avait obtenu de Louis XIV une séance de pose qui témoignait de l'estime qui lui était désormais accordée. Avec le portrait du père jésuite Claude François Menestrier (1631-1705), seul autre pastel conservé de sa main, l'effigie du duc de Lorge révèle aujourd'hui que cette réputation n'était en rien déméritée (Xavier Salmon, Pastels du musée du Louvre XVIIe -XVIIIe siècles, Louvre éditions, Hazan, Paris, 2018, cat. 14, p. 56-57).
neiljeffares.wordpress.com/2018/07/12/the-louvre-pastels-catalogue-errata-and-observations, n° 14.
Xavier Salmon, 'Mieux connaître les pastels du musée du Louvre' in Grande Galerie, 2018, La Recherche au musée du Louvre, pp. 60-67, repr." [1]
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