Жорж Атена

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Жорж Атена
Georges Athénas
Ім'я при народженні Georges Emmanuel Félix Hilaire Athénas
Псевдонім Marius Leblond
Народився 26 лютого 1877
Сен-Дені, Реюньйон, Франція Франція
Помер 8 травня 1953
Париж
·hypostatic pneumoniad
Поховання кладовище Вожирарd
Громадянство Франція Франція
Національність француз
Діяльність письменник, історик, журналіст і мистецтвознавець
Мова творів французька
Роки активності [[]]—[[]]
Напрямок [[]]
Жанр оповідання, роман, п'єса
Magnum opus роман «У Франції»
Членство Q122351091? (1953) і Académie des sciences d'outre-merd (1943)
Родичі Еме Мерло, Леон Дьєркс і Édouard Dierxd
Автограф
Премії Ґонкурівська премія (1909), Орден Почесного легіону

Жорж Атена́ — (фр. Georges Athénas, * 26 лютого 1877, Сен-Дені (Реюньйон) — † 8 травня 1953, Париж, Франція) — французький письменник, історик, мистецтвознавець і журналіст. Разом із Еме Мерло (фр. Aimé Merlo) писав під літературним псевдонімом Маріус-Арі Леблон (фр. Marius-Ary Leblond). Лауреат Ґонкурівської премії (1909).

Біографічні дані

http://www.reunionnaisdumonde.com/spip.php?article1881

Le journal reunionnais du monde

авторка -- Dominique Jeantet


Жорж Атена був грецькогопоходження й доводився двоюрідним братом Еме Мерло. Закінчивши ліцей у Сен-Дені, вони разом поїхали здобувати вищу освіту в Парижі. Там їхній кузен, реюньйонський поет Леон Дьєр впровадив Жоржа і Еме в літературні кола і познайомив із письменниками Хосе Марія де Ередіа, Сюллі Прюдомом, Франсуа Коппе та іншими.

Жорж і Еме під псевдонімом Маріус-Арі Леблон писали разом романи, подорожні записки, літературно-критичні статті. Одержали такі нагороди: Велика премія Французької академії (Grand Prix de l’Académie Française), Ґонкурівська премія, Премія літературної критики (Prix de la Critique Littéraire), Велика премія Лассера (Lasserre), Велика премія Імперії (Grand Prix de l’Empire). Вони удостоєні дворянського звання, стали кавалерами ордена Почесного легіону, Національного ордена Португалії Великий Хрест (la Grand-Croix de l’Ordre national du Portugal), Ордена Польщі, Ефіопії та Камбоджі et celles de Commandeur de l’Ordre national de Pologne, d’Éthiopie et du Cambodge.

Маріус Леблон (Жорж Атена)

Крім того, Арі Леблон (Еме Мерло) дістав орден Тисячі слонів (Лаос) (l’ordre des Mille éléphants (Laos) і Медаль Опору (la Médaille de la Résistance).

Маріус Леблон був секретар у генерала Ґальєні. Помер 08 mai 1953 через набряк легенів.

Арі Леблон служив куратор Музею де ля Франс d'Outre-Мер conservateur du Musée de la France d’Outre-mer, він помер 7 квітня 1958 року, перебувши серцевий напад.


Маріус Леблон похований в одній могилі з Еме Мерло на кладовищі Вожірар в Парижі, Vaugirard, у дільниці № 2 під номером 122. де я пішов у другому дивізіоні, кріпосної книги 122 і включений до реєстру під двома іменами Георгія і Маріус Леблон Афіни. У тій же гробниці не тіло, але, що Еме Мерло Мерло Олександр (помер у тому ж році Еме Мерло). Ця могила не має дошку в пам'ять про Маріус Леблон, його ім'я навіть не згадується: це повне нехтування людини, яку не данина до перегляду.

Marius Leblond est inhumé au cimetière de Vaugirard à Paris, où je me suis rendue, dans la deuxième division, cadastre 122 et figure dans le registre sous les deux noms de Marius Leblond et Georges Athénas. Dans la même sépulture se trouve non pas le corps d’Aimé Merlo mais celui d’Alexandre Merlot (décédé la même année qu’Aimé Merlo). Cette tombe ne comporte aucune plaque à la mémoire de Marius Leblond, son nom n’y est pas même mentionné : c’est l’oubli complet d’un homme auquel aucun hommage n’est rendu.


Слід також Маріус Арі Леблон і творення, 25 серпня 1911 Музей колоніального Dierx Леон де Сен-Дені в колишній резиденції єпископа, що раніше належала мера.

On doit également à Marius et Ary Leblond la création, le 25 août 1911 du Musée colonial Léon Dierx de Saint-Denis dans une ancienne résidence d’évèque, autrefois propriété d’un maire.


Маріус Арі Леблон і припустив, колоніальний роман, вони виступають проти, щоб екзотику П'єр Лоті писав у своєму маніфесті в 1926 році, після екзотику Лоті, колоніальний роман. За колоніального роману вони хочуть займатися французької публіки до інтимності рас присутні в колонії, через розвиток їх культурної самобутності. Якщо компанія колоніального правління, що дає Франції можливість стверджувати свою владу і перевагу своєї цивілізації, роман також дозволяє вираз колоніальних народів інших в їх ідентичності. Заради реалістичності цих авторів в описі колоніальних реалій виникає ідеальний людей і речей з-за кордону. Колоніальний роман з його документальний аспект, дозволив Маріус Арі Леблон і описати зустрічі та її жителів у реальність повсякденного життя. Це є свідченням досвіду.


Marius et Ary Leblond ont théorisé le roman colonial, qu’ils opposent à l’exotisme de Pierre Loti dans leur manifeste écrit en 1926, Après l’exotisme de Loti, le roman colonial. Par le roman colonial ils veulent intéresser le public français à l’intimité des races présentes dans les colonies, à travers l’épanouissement de leur singularité culturelle. S’il sert l’entreprise de domination coloniale, en donnant à la France l’occasion d’affirmer sa puissance et la supériorité de sa civilisation, le roman colonial permet aussi l’expression des peuples autres, de leur identité. Du souci de réalisme de ces auteurs dans la description des réalités coloniales se dégage un idéal des hommes et des choses d’Outre-mer. Le roman colonial, par son aspect documentaire, a permis à Marius et Ary Leblond de décrire La Réunion et ses habitants dans la réalité du quotidien. C’est un témoignage du vécu.


http://www.clicanoo.re/41-la-reunion/43-l-histoire-de-la-reunion/Les-personnages/marius-et-ary-leblond.html

clicanoo, le journal de l'ile de la Reunion

Georges Athénas et Aimé Merlo sont les vrais noms de Marius et Ary Leblond. Indissociables derrière leur nom de plume, ils figurent parmi les plus grands écrivains que l’île ait connus. Prix Goncourt en 1910, ils ont laissé quantité d’ouvrages qui reflètent leur énorme talent.

Marius et Ary Leblond s’appellent en réalité Georges Athénas et Aimé Merlo. Ils sont cousins : le premier est né à Saint-Denis et le second à Saint-Pierre. Ils se retrouveront au lycée avant de partir pour Paris. Le romantisme amoureux leur fait alors choisir l’écriture et un nom de plume : Leblond parce que Georges aimait une blonde et Ary parce qu’Aimé courtisait une jeune femme qui s’appelait Henriette. A l’inverse de beaucoup à l’époque, ils ne s’adonnent pas à la poésie : ils écrivent en prose et toucheront à tous les gens : roman, récits de voyages, critiques littéraires, etc. Au total, plus de cinquante ouvrages et 200 publications diverses dans des revues. Les romans “En France” et les “Jardins de Paris”, écrits une dizaine d’années après l’arrivée des Leblond dans la métropole, décrivent l’existence d’un étudiant réunionnais à la capitale : vie tout d’abord uniquement consacrées aux études, puis bien vite dans la fréquentation des jeunes filles, “d’affranchies”. Sur leur séjour à Paris il faut se rapporter à leur conférence faite à Saint-Denis en 1910. Ils expriment d’abord l’impatience qu’ils avaient éprouvée de connaître cette “Cité de l’univers” dont ils avaient tant entendu parler : “Il ne peut y avoir de plus belle émotion que celle de contempler, au milieu d’une foule toute contemporaine, les grands monuments de notre histoire qui nous disent l’antique valeur de notre race. Bouquiner sur les quais, chercher de vieux livres au long de l’Académie française, se promener sur les terrasses des Tuileries, suivre les galeries du Louvre qu’enrichissent nos victoires…” A Paris, ils fréquentent alors le cénacle le plus réputé. Le cousin de Marius, Léon Dierx, les présente à son ami et académicien José Maria de Heredia, disciple de Leconte de Lisle. Ils rencontrent notamment chez ce créole des Antilles Sully Prud’homme et François Coppée et de jeunes poètes à qui le grand parnassien accordait un accueil cordial et donnait des conseils avisés.

[LE COUSIN LÉON]

Les Leblond fréquentaient aussi d’autres salons littéraires : celui de “La Revue des deux mondes”, par exemple, où l’élite intellectuelle de toute l’Europe était accueillie. “Dans de tels cercles, déclarent-ils, on rencontre des hommes qui sont dans le monde l’honneur de la France. Les plus hautes joies de la vie, pour un jeune écrivain ou un jeune artiste, c’est d’y voir l’un d’eux venir à lui, s’intéresser à son travail et à ses projets, lui attester cet intérêt puissant et délicat du grand aîné qui approuve et suscite l’énergie. Il n’est rien de réconfortant comme d’approcher ces êtres dont on a lu les livres, dont on savait l’ample talent et dont on découvre la belle âme !” Mais la vie à Paris, sous des aspects séduisants, cache aussi l’austérité du labeur de nos écrivains dans les logements mal chauffés. Ils avaient aussi leur “salon”, dont parle Raphaël Barquissau dans un discours prononcé à l’Amicale des Réunionnais : “Les murs de leur minuscule appartement de la rue Guy-de-la-Brosse s’éclairaient de tableaux ; c’était leur seul luxe avec les livres, ceux des quais (…) Les mercredis, les trois petites pièces faisaient salon et étaient trop petites (…) On sentait chez les Leblond un visible désir de grouper autour de la France les sympathies étrangères, dont une élite d’étudiants et d’artistes apportaient à Paris le touchant témoignage”. Mais la vie à Paris, c’est aussi la création des sociétés corporatives, ce sont des interviews, la rédaction d’articles vibrants de patriotisme pour les journaux et les revues. Ce sont aussi les conférences à la radio ou au sein d’une assemblée d’intellectuels. En un mot, la vie parisienne pour les Leblond, c’est une bataille : celle qu’ils ont livrée, sans relâche, pendant plus d’un demi-siècle, non pour acquérir la fortune ou la gloire mais pour le bonheur de leur prochain et de l’humanité En 1903, les Leblond avaient concouru pour le prix Goncourt avec “Le zézère”, où ils ont voulu “faire aimer les Noirs par le public européen”. Mais ni avec ce livre, ni deux ans après avec “Sortilèges”, recueil de quatre importants contes réunionnais, ni avec “La Sarabande”, roman des mœurs électorales de Bourbon, ils n’avaient pu obtenir ce prix, malgré le soutien précieux des Rosny et l’enquête ouverte dans “La Presse”, qui leur était favorable.

[LEURS NOMBREUSES RÉCOMPENSES]

Consolation : en 1906, l’Académie française décerne aux Leblond leur premier prix littéraire pour "La Grande île de Madagascar", bel ouvrage illustré concernant les régions, les races, les croyances et les ressources de notre ancienne colonie. Enfin, avec le soutien de Marguerite, de Bourges et de Rosny, les Leblond en 1910 obtiennent leur prix Goncourt avec le roman “En France”, l’histoire d’un étudiant créole. L’année suivante, c’est le Prix de la critique littéraire qui couronne le livre didactique “L’idéal du XIXe siècle”. En 1932, le Grand prix Lasserre leur est attribué à l’unanimité, seule récompense littéraire que le ministère de l’Éducation nationale accorde chaque année officiellement, sur avis d’une commission d’écrivains de toute tendance. Pour la seconde fois en 1937, l’Académie française couronne de son Grand prix un autre ouvrage historique des deux Réunionnais. Aucune œuvre n’a suscité dans la presse autant d’éloges que ce “Vercingétorix”, en deux volumes, qui a coûté à ses auteurs dix ans de travail : “La beauté de tous ces petits chapitres est dans le style frémissant, coloré, éloquent, lyrique même, des exposés et des récits.” Enfin en 1943, l’Académie leur décerne une troisième récompense : le Grand prix de l’Empire, pour l’ensemble de leur production littéraire. En dehors des prix qui les ont couronnés, il y a les décorations que la IIIe et la IVe République ont placées sur la poitrine de ces hommes qui se sont illustrés aussi dans le domaine patriotique et social. Marius Leblond fut fait d’abord chevalier de la Légion d’honneur par le ministre Simon, en qualité de membre du conseil supérieur de l’enseignement aux Colonies. Ary Leblond obtient le ruban rouge grâce à des services rendus après la guerre de 1914-1918. Afin de subvenir partiellement aux besoins des familles des artistes mobilisés, il organisa à l’étranger une vingtaine d’expositions d’arts plastiques. C’est à l’occasion du tricentenaire des Antilles que fut attribuée à Marius — qui avait écrit “Belles et fières Antilles” — la cravate de la Légion d’honneur à la demande d’un sénateur de la Guadeloupe. De son côté Ary reçut la médaille de la Résistance pour son action patriotique à son poste de conservateur du Musée d’outre-mer. En outre, il était commandeur de l’Ordre des mille éléphants et tous deux grand-croix de l’Ordre national du Portugal et Commandeurs de cet insigne honorifique de Pologne, d’Éthiopie et du Cambodge.

[CRITIQUES LITTÉRAIRES]

Les Leblond, riches de tant d’éloges, ont eux-mêmes mis en valeur beaucoup d’hommes de lettres. Dans le numéro de “La Vie” de mai 1941, Marius déclare que Jules Lemaître, Brunetière, Taine et Bourget leur “avaient donné la précision du sens critique”. Déjà, en 1897, ils avaient fait paraître, dans “La revue des colonies françaises”, une étude sur “Un romantique de l’île Bourbon : Eugène Dayot”. “Dayot, affirmaient les Leblond, est celui qui a le plus originalement et simplement exprimé l’âme créole, tendre, naïve, romanesque.” En 1926, ils avaient écrit un long article sur Léon Dierx, dans la revue “Nos Poètes”, qui leur avait demandé cette étude parce que “compatriotes et parents du poète, nous pouvions plus sûrement donner de l’atmosphère aux documents : ayant vécu dans son intimité de nombreuses années, nous l’aimions d’un respect toujours très ému qui nous aidera à exprimer l’harmonieuse noblesse de sa personnalité”. Les Leblond établissent un parallèle entre Léon Dierx et le chef du Parnasse. Ils expliquent leurs différences profondes par les différences géographiques de deux faces de l’île qui les avaient vus naître et grandir. Le premier “a vécu sur les côtes verdoyantes aux fougères paradisiaques constamment arrosées de pluies (…) tandis que Leconte de Lisle s’éveilla sur une terre tout hellénique, sèche et nue”. En 1938, dans “La Vie”, consacrée à son centenaire, les Leblond écrivent : "La place de Léon Dierx dans la littérature française : il ne faut pas le considérer comme le vicomte de l’île, mais un des plus savants et mélodieux musiciens de notre littérature, dont “Les Filaos” restent un chef d’œuvre techniquement exemplaire de symphonie.” La critique littéraire des Leblond donne une place prépondérante à la vie et à l’œuvre de Leconte de Lisle. D’un livre paru en 1906, on a pu dire alors que c’était “la meilleure biographie qu’on ait écrite de leur illustre compatriote”. Le succès de leur ouvrage a conduit les auteurs à en faire une réimpression en 1933, en ayant rectifié des erreurs et en utilisant certains renseignements, la correspondance et les ouvrages inédits du chef du Parnasse. Marius et Ary Leblond ont aussi écrit une préface pour le dernier livre du poète Jean Ricquebourg “Ciels d’Annam” ; ils y déclarent que l’accueil réservé aux poésies de ce Réunionnais l’incitait à les polir au profit de la “musicalité”. Ils trouvent en lui un disciple de Leconte de Lisle et de Léon Dierx, sans cesse préoccupé d’accorder sa pensée avec une technique toujours renouvelée. Et les Leblond ajoutent : “Le titre d’une de ses premières œuvres — Les héroïsmes — donne la clef orfévrée de son sentiment essentiel, ce miel de stoïcisme et de gloire que l’histoire de trois siècles de vaillance française dans l’océan Indien a distillé en la fleur des sensibilités créoles.”

[LEURS DERNIÈRES ANNÉES]

En parallèle à l’écriture, les Leblond vouent une admiration pour le journalisme et publient dans plusieurs quotidiens des inédits, des articles ou leurs romans. Ils reprennent même “La grande France”, fondée au début du siècle par de nombreux écrivains dont Auguste Brunet. Après l’expérience du musée Léon-Dierx en 1911, Ary Leblond est conservateur du Musée de la France d’outre-mer : “Au bout d’un an, le musée, entièrement constitué, était visité au point que par son chiffre de recettes, il s’inscrivit bientôt après Versailles et le Louvre.” En 1950, Ary est dépossédé, pour limite d’âge, de son poste de conservateur contractuel du musée de la France d’outre-mer, sans la moindre retraite. Il pense à sa vieillesse quand il est sollicité pour occuper le poste de conseiller de la Réunion à l’Assemblée de l’Union française. Le voici dans l’île : “Le Peuple” publie un bel éloge du candidat qui envoie aux conseillers généraux une admirable profession de foi. Mais les vaccinations en vue du voyage aérien ont perturbé sa santé. L’amère désillusion de cette compétition aidant, il doit s’aliter. Le 8 mai 1953 meurt Marius Leblond. Le jour de ses funérailles, le 12, coïncidait malheureusement avec une grève de transports. Néanmoins, beaucoup de gens purent manifester au glorieux défunt leur estime ou leur amitié. Marius n’avait voulu ni fleurs, ni couronnes, ni discours. Mais cette disparition avait provoqué beaucoup de manifestations de sympathie dans la presse et à la radio de Paris. L’un des plus émouvants articles est celui d’Hippolyte Foucque, qui traduit le mieux les sentiments de tous. Il parle de leur œuvre, mais surtout de l’homme “noble et bon, l’esprit aux larges vues, l’âme à la sensibilité exquise, qui savait accueillir et comprendre, compatir et aimer (…)” Le 7 avril 1958, cinq ans après Marius, meurt à son tour Ary Leblond. Une congestion pulmonaire emporta le premier tandis que l’autre fut terrassé par une crise cardiaque. Comme son “frère”, il était trop modeste pour accepter aucun discours sur sa tombe. Mais beaucoup de personnalités littéraires, artistiques, administratives, coloniales et étrangères, de nombreux compatriotes et amis le conduisirent au cimetière pour retrouver celui dont il partagea la vie durant soixante ans. Parmi les articles, celui d’un fidèle ami, dans “Le peuple de la Réunion”, alla droit au cœur de tous les admirateurs de l’illustre défunt : “Voici que la mort a réuni de nouveau les deux frères qu’elle avait cruellement séparés il y a cinq ans. Et voici donc refaite cette union, cette unité plutôt, que Marius et Ary avaient réalisée dans leur vie et dans leur œuvre. Elle demeurera désormais tangible, dans notre souvenir, comme elle le fut dans notre amitié et dans le reconnaissant hommage que leur rendra leur île natale (…)”



http://dodille.fr/Etudes/?p=797



Goncourt colonial. Marius-Ary Leblond pour En France, prix Goncourt 1909


Norbert Dodille (автор) « Goncourt colonial: Marius-Ary Leblond pour En France, prix Goncourt 1909 »in Prix Goncourt, 1903-2003: essais critiques (Oxford et Berne: Peter Lang AG, 2003), p. 59-76.


[59]Je souhaiterais me servir de l’occasion de cet événement (Marius-Ary Leblond reçoivent le prix Goncourt en 1909 pour leur roman En France) pour illustrer une approche possible de l’histoire littéraire. Et d’emblée, je propose d’aborder l’histoire littéraire en la considérant comme une pluralité d’histoires littéraires souvent irréductibles les unes aux autres. Pour ce qui concerne ce prix Goncourt je dirai que les Leblond ont été à la rencontre d’au moins trois histoires : la première est celle du prix Goncourt, la seconde est celle du roman colonial et la troisième celle de la littérature réunionnaise. Je dirai que les Leblond font partie indubitablement de la série des Goncourt oubliés, qu’ils ont été entraîné dans la disparition du roman colonial, et qu’ils font retour, de manière qu’ils n’auraient sans doute pas attendue, dans l’histoire de la littérature réunionnaise. Les Leblond et le Goncourt

Marius-Ary Leblond font partie de l’histoire des débuts du Goncourt (ils ont le septième prix), à une époque où le prix, sauvé du procès des héritiers des Goncourt, ne représentait encore qu’une forme de consécration contestataire à l’égard des institutions officielles, et cela selon la volonté même des fondateurs. Le prix cherchait à affiner ses critères qui certes répondaient aux exigences du testament, mais qui, face aux choix concrets que les membres de l’Académie étaient amenés à faire, pouvait amener les jurés à se justifier.

Par exemple, Descaves insiste sur leur éclectisme :

[60]Comment comparer, par exemple, John-Antoine Nau et sa Force ennemie [1903] (dont le héros dément se dédouble et prête à son adversaire intime les traits d’un être fantastique) à Léon Frapié et sa Maternelle, [1904] sorte de reportage vécu et plus intimement voué à la tradition naturaliste ? Et comment encore rapprocher Farrère et ses Civilisés [1905] (entourés d’images dramatiques et d’énigmes) des frères Tharaud qui débutent avec une sorte d’enquête minutieuse et magistrale, un procès-verbal d’âme individuelle et d’état d’esprit collectif avec Dingley, l’illustre écrivain ? [1906] (p. 107)

Mais Descaves a beau jeu de s’appuyer sur quatre prix seulement. Sur une plus grande durée, on ne pourra éviter de voir apparaître des séries significatives dans les prix.

Pour ce qui concerne les Leblond, ils s’inscrivent dans la série des romans que nous appellerons, parce que la dénomination est encore floue à l’époque, nous y reviendrons, « exotico-coloniaux » : 1905 : Les Civilisés de Claude Farrère ; 1906 : Dingley, l’illustre écrivain, « critique de Kipling et de l’impérialisme anglais » de Jean et Jérome Tharaud ; 1909, En France, plus tard, 1921 : René Maran, Batouala.

On pourrait observer, de plus, que cette littérature est familière aux membres de l’Académie. Paul et Victor Margueritte (Paul est membre de l’Académie Goncourt) sont nés en Algérie et ont écrit au moins un récit colonial L’Eau souterraine, en 1903. Le premier Goncourt, Nau, est l’auteur de plusieurs romans coloniaux, etc.

Par ailleurs, ils appartiennent à la série des « frères », écriture à quatre mains, dont les Goncourt ont donné le modèle : Paul et Victor Margueritte (Paul seul est à l’Académie, Victor ne sera pas élu en 1907) ; les deux Rosny, Joseph et Séraphin, font partie de l’Académie Goncourt ; les frères Tharaud Jérôme (1874-1953) et Jean (1877-1952) qui obtiennent le prix Goncourt en 1906 pour un roman à thème colonial : Dingley, l’illustre écrivain, avant d’entrer, tous les deux, successivement, à l’Académie française, et enfin les Leblond.

La fratrie littéraire et l’écriture en collaboration suscite de la part des écrivains contemporains des rosseries dans la tradition des Goncourt eux-mêmes qui se moquaient des Rosny :

[61] Ce soir, Rosny [Aîné] qui vient de lire chez Antoine sa pièce de Nell Horn, faite en collaboration avec son frère, nous parle de ce frère. Il nous le peint comme un esprit de la même famille que le sien, comme un mystique, mais avec une touche mélancolieuse, venant d’une santé plus frêle, d’une nature plus délicate […] Rosny ajoute que les deux frères ne pouvaient se faire la guerre, c’est-à-dire travailler chacun de leur côté, et que cela lui a donné l’idée de lui donner l’hospitalité dans son talent. Du reste, cette collaboration, il n’en parle pas simplement, bonnement. Il est vraiment trop grandiloque, quand il parle des qualités morales de son frère, de la grandeur de leur fraternité – et bien solennellement embêtant (Goncourt, journal, 26 mars 1891)

Mirbeau n’était pas en reste, selon Descaves :

– Ne me parlez pas des frères, estimait Mirbeau. Voyez les Rosny, les Fischer[i], les Margueritte, cela fait de mauvais ménages. Car être deux à porter culottes !…(p.78)

Léautaud écrit un passage féroce sur les frères et conclut : « en fait de frères, s’il y en a deux qui n’ont pu éblouir personne, ce sont les Leblond » (21 juin 1928). Quant à Larbaud, il va plus loin en attribuant à la série dont nous parlons un véritable influence sur les jurés :

Si le prix Goncourt est allé aux frères Leblond, c’est sans doute parce que l’Académie qui l’attribue contient déjà deux couples de Ménechmes (d’ailleurs opérés en vue d’une production plus intensive): les Margueritte et les Rosny. Ces associations d’aveugle et paralytique sont un joli symptôme de débilité littéraire. À quelle époque, dans quel pays, a-t-on vu tant de gens se mettre à deux pour écrire? » (p. 314)

L’attribution du prix aux Leblond en 1909 ne pouvait constituer à proprement parler une surprise, car ils étaient, dirait-on aujourd’hui « dans les tuyaux » depuis cinq ans . On les avait sélectionnés dès les [62] débuts du prix : leur Sarabande rate le prix de 1904 (ils ont quatre voix, cf Deffoux p. 101), leurs Sortilèges celui de 1905 (Deffoux, p. 104). Ils n’obtiennent le prix qu’en 1909 avec En France. Prix contesté par la suite, mais obtenu à l’unanimité selon Descaves. On cite parfois le regret exprimé par Mirbeau, au point que les Leblond ont peut-être été l’occasion du premier des nombreux « scandales » qui ont fait l’intérêt de l’histoire du prix :

Dîner Goncourt. Jamais prix n’a été décerné dans plus de quolibets. Daudet venait de partir. Mirbeau parle de certains bourgognes que lui seul veut connaître. On ne veut pas voter pour Giraudoux parce qu’on ne veut pas voter pour Jules Renard. Les Leblond n’auront jamais de succès de public. Il faut mettre ce souvenir dans leur vie. (Jules Renard, Journal, 10 décembre)

Rosny, confirme avec cette remarque énigmatique : « En France fut un prix de famille : les Leblond obtinrent l’unanimité » (p. 80).

On peut se demander – et cette question prendra toute sa pertinence dans notre troisième partie – dans quelle mesure les Leblond, aujourd’hui largement oubliés en dehors de la Réunion, étaient des écrivains célèbres. Leur livre dit-on, se vendit mal, d’autant que l’inondation de Paris, en janvier 1910, ne favorisait pas le commerce des libraires. Leur succès était noyé.

On remarquera que les mémoires et journaux intimes ou littéraires de l’époque font rarement mention des Leblond. Une seule, citée plus haut, dans le journal de Renard. Rien dans le journal de Gide, etc.

Cette absence signifie qu’ils occupent bien, dans le champ littéraire une place encore non reconnue, marginale ou que le roman « colonial » est une variété mal acceptée du roman exotique (Loti, Carrère, ont un immense succès).

Pierre Descaves les juge un peu falots :

« d’exacts fonctionnaires fourvoyés dans le domaine littéraire. Mélancoliques un peu abasourdis par la réussite inespérée de leur carrière et se laissant pousser, ils étaient dénués de tout esprit de brigue et paraissaient s’excuser du [63] tracas qu’ils donnaient aux uns, et de s’effrayer de l’opposition qu’ils percevaient chez certains autres » (138)

Cependant, en 1906, lorsque Léautaud fait l’inventaire des auteurs qu’il ne lit pas, et qui sont pourtant célèbres, il recense parmi les aînés Margueritte, Rosny, Mirbeau, et Lorrain, et parmi les jeunes qu’il qualifie de « plus ou moins vedette » : « Boylesve, Boulanger, Philippe Villetard, Frapié, Batilliat, Binet-Valmer, Boissière, Mme de Noailles, Farrère, Hirsch, frères Leblond » (12 décembre 1906)

Contrairement à ce que pensent Léautaud, Larbaud et d’autres, les Leblond ne sont pas frères, mais cousins, et même cousins éloignés.

Georges Athénas (alias Marius), né à Saint-Denis (au nord de l’île de la Réunion) en 1877 (il a trente-deux ans au moment de l’attribution du prix), est d’origine grecque.

Aimé Merlo (alias Ary), est né en 1880 à Saint-Pierre (au sud de l’île).

« Ils avaient choisi ‘Leblond’ parce que Georges aimait une blonde, ‘Marius et Ary’ parce que Marius et Henriette étaient respectivement les prénoms de leurs amoureuses » (Cazemage, p.18)

Ils obtiennent le Goncourt pour un roman qui paradoxalement n’est pas présenté comme un roman. Dans une note de la page 209 du tome II, on peut lire : « Ce livre n’est que «l’histoire» de Claude [Mavel] : le «roman» de Claude se nouera immédiatement dans Les jardins de Paris »

Ce premier épisode aura avant tout une fonction documentaire, et présentera dans le corps du texte sa propre poétique. Roman réaliste, il se démarque aussi bien du « roman d’imagination » (II, 116), du « roman moderne » (II, 119), que du « roman de piraterie », (II, 7).

Il sera le roman réaliste qui présente une fraction de la société encore inexploitée, celle des étudiants :

[64] « On écrit des romans, me disait-il [Lebouvier, un étudiant], sur les petits sculpteurs italiens ou sur les maquereaux, jamais sur les étudiants : on ne sait même pas de quoi nous souffrons. On devrait voir que nous sommes dans un âge de transition à tous les points de vue, intellectuel, social : […] on sent tout d’un coup qu’il va falloir être égoïstes pour se débrouiller dans la vie; beaucoup alors sont aussi prêts de devenir voleurs qu’honnêtes hommes, nous sommes pleins de désirs, de rancoeurs, d’indignation. » (II, p.127-128)

Ainsi, ce roman se présente lui-même comme éminemment fidèle à l’esthétique et aux valeurs goncourables. C’est un roman dans la veine naturaliste, et qui aborde un sujet encore négligé dans l’inventaire général des sujets abordés jusque-là. Ils feront entrer les étudiants dans la littérature comme leurs aînés ont fait entrer les bonnes.

De ce point de vue, leur roman pourrait aisément se ranger du côté du « roman nouveau », parmi ces romans que le héros va acheter à son ami Albert Gustave, resté à la Réunion :

« je t’achèterai sur les quais comme tu me le demandes, quelques romans nouveaux, Paul Adam, Margueritte, Renard, et les derniers livres couronnés Force ennemie et L’Homme de peine, mais tu tâcheras de ne pas oublier de m’envoyer l’argent » (II, 128)

Force ennemie, de John Antoine Nau, a reçu le premier prix Goncourt en 1903 ; Paul Margueritte et Jules Renard font partie de l’Académie Goncourt ; L’Homme de peine, de Charles Géniaux, Fasquelle 1905, a reçu le prix national de littérature (Charles Géniaux est aussi l’auteur de Comment on devient colon, et de Notre petit gourbi). Ainsi l’actualité littéraire est-elle présentée comme marquée à la fois par l’Académie Goncourt et le succès naissant de la littérature coloniale. Les Leblond et la littérature coloniale

En France a la subtilité d’inverser le roman exotique : il ne décrit pas, comme dans les Civilisés de Farrère, des Français exilés à l’autre bout du monde dans l’univers colonial, mais tout au contraire la vie de créoles venus en France, ici par la nécessité de faire leurs études.

[65] Lors d’une conférence sur « La Réunion et Paris », les Leblond avaient montré tout l’intérêt de multiplier les échanges entre la colonie et la France. Leurs propositions étaient fondées à la fois sur leur conception tainienne de la Race, et de l’autre sur un principe pour ainsi dire physique voisin de la thermodynamique.

Pour les Leblond, ces échanges sont indispensables à la santé de la race. D’une part, ils permettront aux paysans français venant à la Réunion de « s’affiner ». D’autre part ils faciliteront la réparation des créoles anémiés en France.

Or, c’est le contraire que nous raconte le roman, du moins en ce qui concerne le sort des créoles en France.

Certes, on retrouve dans En France les présupposés, d’ailleurs anciens, qui fondent la représentation des créoles dans la littérature française. Les adjectifs qui qualifient la créolité chez George Sand (dans Indiana une créole est nerveuse et maladive, ardente et passionnée, d’une beauté peu commune, lascive, délicate, nonchalante, triste et lente, etc.) se retrouvent aussi bien dans le roman des Leblond.

De plus, plusieurs passages du roman répondent au programme d’échange cité plus haut, tant pour l’affinement des Français dans l’île que pour le renforcement du créole en France :

Il n’y a que l’amour qui compte pour eux [les créoles], le vieil amour créole traditionnel né de la joie que les races diverses des provinces françaises, se retrouvant dans une île édénienne, ont eue à se mêler pour refaire une race qui est comme la quintessence de la nation affinée dans un climat constamment voluptueux et doux (I, 19)

Des fonctionnaires nés en Europe, éveillés à ce souffle de France, se mettent à parler à la cantonade. Peu de personnes attendent de lettres importantes mais tout le monde a le cœur dilaté c’est une sorte de prompte communication avec la France par-dessus un espace de vingt-quatre jours; dans le même frémissement d’inattendu on se perçoit très éloigné et en même temps rattaché dans le vide, relié à quelque chose qu’on aime sans l’avoir vu; on se sent exister comme nation dans le grand Océan Indien, on se sent civilisé avec un élan de vivacité et d’aventure. (I, 12)

Mais il reste que le roman nous raconte avant tout le désenchantement d’un jeune créole et ses difficultés d’adaptation dans le nouveau milieu où il est transplanté. Il est vrai que, de ce point de vue, En France [66] s’oppose aux Jardins de Paris. Dans le second livre, Claude Mavel va vivre une expérience formatrice, qui n’est pas sans évoquer Proust pour nous, tant y est développée l’analyse d’une passion amoureuse se heurtant au mystère impénétrable d’une amante mythomane. Mais du coup, le Claude Mavel des Jardins va suivre une initiation amoureuse réellement formatrice, et le roman s’achève sur une double réussite : il surmontera l’épreuve amoureuse aussi bien que les épreuves des examens.

Dans En France au contraire, Mavel flotte au milieu de ses compatriotes dévalorisés et pour la plupart en situation d’échec. Parti fiancé de la Réunion (sa fiancée s’appelle Eva, ce qui pouvait annoncer un beau programme), il finira par rompre sans que ce qui l’amène à cette rupture prenne la consistance d’une déception amoureuse. Une lettre maladroite, la distraction de Paris, et voici la fiancée perdue comme on perd une valise, sans qu’il en éprouve beaucoup plus que de la contrariété. Le narrateur a donc raison de dire que ce n’est pas un roman, c’est d’ailleurs à peine une histoire (et l’on peut se demander si les Leblond ne comptaient pas sur le Goncourt un an plus tard, avec la publication des Jardins).

Si En France est un roman de la désillusion, du désappointement, celui-ci est programmé dès les premières pages du roman, lorsque Claude arrive à Paris :

Il s’était dit qu’on trouvait en province des paysans grossiers et avares; mais les Parisiens, il se les était toujours représentés polis et boutonnés comme des sergents de ville, dans une organisation municipale méthodique et reluisant de propreté, une cité de vitrines et d’employés de grands magasins. Or toutes les maisons étaient sales et vieilles (I, 34).

On pourrait multiplier les citations. Il ne serait pas absurde de parler, à propos de ce roman, d’un bovarysme colonial, qui, du même coup, hausse sur la scène parisienne du prix Goncourt (sans que peut-être le jury en soit tout à fait conscient) une nouvelle forme de héros littéraire, le créole, ou le colon, et du même coup une nouvelle forme littéraire, le « roman colonial ».

L’idée du roman colonial naît d’une spécialisation tardive du genre déjà constitué du « roman exotique ».

Voici par exemple le protocole que définira l’éditeur de Fétiches (Paris, Aux éditions du monde nouveau, 1923) :

[67] Quand on considère la production de ces dernières années, on est frappé de l’abondance et de l’opulence du roman exotique, et le mot colonial lui-même, loin d’être resté péjoratif, déclenche une vive curiosité, éveille le goût du merveilleux et de l’aventure […] Chaque terroir d’outre-mer a sa flore de beaux noms littéraires : de Loti, Bertrand, Pierre Mille, Ajalbert ou Pouvourville à Marius-Ary Leblond, Segalen ou Robert Rondeau, nous pourrions citer trente autres noms brillants qui manifestent que notre littérature coloniale est plus représentative même que celle de l’Angleterre.

Avec le recul, on ne peut qu’être frappé de voir alignés dans une même esthétique des auteurs qui ont cependant défendu des points de vue diamétralement opposés. Loti, qui n’est pas cité le premier par hasard, parce qu’il est à la fois le plus célèbre et le plus exemplaire se verra opposer aussi bien Segalen, et son Essai sur l’exotisme (qui ne sera publié, il est vrai, que très tardivement, en 1978), et pour qui Loti est un « touriste », que les romanciers coloniaux tels que Bertrand, Pierre Mille ou Ajalbert (Sous le sabre, membre de l’Académie Goncourt à partir de 1917).

C’est en 1926 que les Leblond écriront un texte programmatique pour inscrire le « roman colonial » comme genre dans l’histoire littéraire. Ce petit livre s’intitule justement : Après l’exotisme de Loti, le roman colonial.

Ce programme s’inscrit dans le cadre d’une réflexion sur le devenir de la littérature.

L’article positionne le roman colonial par rapport à la situation historique (après-guerre, nous sommes dans les années vingt) et aux mouvements littéraires (dadaïsme, humourisme) contemporains :

Le Dadaïsme ou le nouvel Humourisme qui en est le succédané peuvent procéder de raisons profondes, mais […] tout juste émergent-ils de la vague de Plaisir qui suit toujours les grandes catastrophes. C’est une nouvelle humanité que nous réclamons (Après…, p. 6).

Enfin les Leblond situent le roman colonial dans une géographie littéraire : « le Colonialisme devient la plus grande province du [68] Régionalisme » (p. 7)

On remarquera que le roman colonial est ainsi défini dans des termes et dans un contexte qui est bien celui de l’histoire littéraire de la France. Comme tout mouvement littéraire il entend se placer dans l’ordre d’une succession, de préférence après des mouvements jugés éphémères ou passagers, et dans la logique d’une « évolution »[ii]. Il n’omet pas de lier le mouvement littéraire à une philosophie ou une métaphysique qui le dépasse et le légitime (« l’homme nouveau », qui d’ailleurs succèdera non seulement à la vague de plaisir de l’après-guerre, mais aussi bien aux civilisés-décadents de Claude Farrère).

Ce programme n’a fait en 1926 que se préciser, et ceci par opposition à l’ autre sous-genre romanesque avec lequel il était menacé de confusion. Dès 1911, les Leblond avaient souligné l’existence d’une littérature coloniale qu’ils n’opposaient pas encore directement à la littérature exotique de Loti, tout en commençant à s’en distinguer :

Nous avons depuis trente ans une littérature coloniale de premier ordre, où, à côté de Pierre Loti, il y a des écrivains […] qui opposent à la littérature impérialiste de Kipling une série de livres où, au contraire, l’indigène est apprécié, analysé avec attention, par cette spontanéité naturelle au génie français. (Conférence sur la Réunion et Paris, p. 45)

Il est intéressant de constater que cette littérature coloniale « à côté de Loti » n’est pas sans faire songer, dans un premier moment, à la critique de l’exotisme chez Segalen, puisque ce qui est en cause, c’est [69] la possible qualité de sujet de l’indigène[iii]. Les tentatives de Leblond, dans des nouvelles comme celles des Sortilèges par exemple, consistent bien à mettre en scène un point de vue de l’indigène. Le problème est le brouillage que, par opposition à ce qu’effectue Segalen dans Les Immémoriaux par exemple, provoque le discours idéologique parfois pesamment présent, même s’il ne parvient pas à faire oublier la réelle originalité de l’écriture. Le repoussoir, en cette année 1911, est le roman colonial anglais, déjà critiqué dans un autre prix Goncourt (Taraud) et mis en scène dans une nouvelle des Leblond, « Le Revenant de l’or » (Etoiles) : les Anglais ne parviennent pas à trouver de l’or, parce qu’ils ne peuvent pas, comme les Français, coucher avec les indigènes.

Toujours à l’instar de tout programme littéraire, le roman colonial veut s’inscrire dans une filiation, qui est celle du réalisme et du naturalisme. En quoi, d’ailleurs, il est bien en harmonie avec l’esthétique de l’académie Goncourt :

La littérature est devenue réaliste. L’art est une photographie de la vie. Elle est une œuvre d’histoire comme le voulaient les Goncourt. » (La Société…, p. 5) Les Leblond, écrivains réunionnais

L’histoire littéraire, et pas seulement celle des manuels, n’a pas retenu le roman colonial, qui n’est mentionné à peu près nulle part. Plusieurs facteurs sont responsables de cet effacement (plutôt que de cet oubli), dans le détail desquels nous ne pouvons pas rentrer dans le cadre de cette communication, et qui sont d’ordre idéologique (l’idéologie coloniale est condamnée), et taxinomique (où classer la littérature coloniale, cette « plus grande province du régionalisme », selon l’expression de Leblond, lorsque cette province n’existe plus).

Les [70] Leblond ont disparu avec le roman colonial, et sont tombés dans la trappe des inconnus du Goncourt. Il n’y a pas eu d’édition de En France depuis la publication des prix Goncourt par les éditions de l’imprimerie nationale de Monaco, en 1950. Le livre est devenu introuvable.

Cependant, les Leblond vont faire retour dans une autre histoire littéraire qui est celle de la littérature réunionnaise.

Qu’est-ce que la littérature réunionnaise ? de quelle sorte d’histoire littéraire peut-elle faire l’objet ?

On doit se souvenir que Lanson avait suggéré en 1929 que l’histoire de la littérature ne pouvait sans inconvénient se limiter à celle des institutions littéraires et du centre qui les fonde :

l’on pourrait alors écrire à côté de cette ‘histoire de la littérature’, c’est-à-dire de la production littéraire, dont nous avons d’assez nombreux exemples, une ‘histoire littéraire de la France’ qui serait non un catalogue descriptif ou un recueil de monographies, mais le tableau de la vie littéraire dans la nation, l’histoire de la culture et de l’activité de la foule obscure qui lisait, aussi bien que des individus illustres qui écrivaient (cit. Delfau, p. 140)

Ce programme, que Lanson avait d’ailleurs conçu jusque dans les détails, imaginant l’envoi en province d’équipes de chercheurs adoptant tous les mêmes méthodes avait le grand avantage de faire reculer les frontières de ce qu’on nomme littérature, à la fois du côté du public lisant, que du cadre trop étroitement parisien des phénomènes de production et de consécration. Mais il n’eut pas de suite, et il fallut attendre bien longtemps pour qu’on voie apparaître une histoire littéraire qui s’ouvre sur des phénomènes littéraires périphériques.

Le tournant se situe dans la publication de l’Histoire des littératures dans l‘Encyclopédie de la Pléiade dirigée par Raymond Queneau et particulièrement du troisième tome, Littératures françaises, connexes et marginales (1958). Les littératures connexes sont les littératures régionales (littératures bretonne, littératures d’oc, etc.), parmi lesquelles figurent les littératures qu’on appellera plus tard „francophones“ (Haïti, Afrique du Nord, etc.), – les littératures [71] marginales sont les littératures qu’on hésitait jusqu’alors à ranger sous cette appellation, qu’il s’agisse de roman policier ou de science-fiction.

Dans son introduction, et songeant particulièrement aux littératures connexes, Queneau observe :

„Le lecteur critique ne manquera pas de remarquer qu’au cours de cette seconde partie [sur les littératures connexes], il est cité bien des noms d’auteurs assez obscurs, alors que, dans les chapitres précédents, on ne descendait pas „aussi bas“ (p. XI)

Difficile d’échapper à des notions de hiérarchie. Mais l’argument nous paraît intéressant, et même primordial. Queneau se défend face aux supposés détracteurs en arguant que la place accordée aux „grandes littératures“ n’a pas été diminuée et que, pour cette dernière, le lecteur pourra toujours trouver des documents ailleurs, alors que ce serait plus difficile pour ces écrivains dits „connexes“. Et Queneau, à notre avis, a parfaitement saisi la spécificité du futur statut des petites, voire des très petites littératures : elles définissent un cadre et une échelle, par rapport auxquels la notoriété et par conséquent la postérité se définissent exclusivement.

C’est ainsi que les Leblond, bien qu’ayant obtenu le Goncourt, ne figurent nulle part dans les 110 pages consacrées à la littérature française du XXe siècle (et qui ne couvrent, nous sommes en 1958, qu’un demi siècle), pas plus d’ailleurs que Jean-Antoine Nau, Léon Frapié, Emile Moselly, Francis de Miomandre, quatre des six prix Goncourt qui les ont précédés[iv].

En revanche, les Leblond sont „récupérés“ dans le cadre des littératures connexes, et cités page 1406, au chapitre de la littérature de l’Océan indien.

On notera (ironiquement) que cette publication a lieu l’année de la mort d’Ary Leblond.

Le premier chapitre de la partie Littératures connexes s’intitule : « La littérature d’expression française dans la France d’Outre-mer et à l’étranger ». Robert Escarpit, rédacteur de ce chapitre, écrit ceci :

[72] La littérature française hors de France n’a pas encore été prospectée dans son ensemble. Reléguée en appendice par les historiens de la littérature nationale – sauf dans le cas des quelques maîtres qui ont acquis l’audience universelle -, négligée par les comparatistes, elle souffre de sa place intermédiaire entre les objets d’autres disciplines (p. 1367).

Là encore, on ne peut qu’admirer la clairvoyance d’Escarpit, qui repère l’espace en creux (ni littérature française ni littérature comparée) où viendra s’installer, après sa reconnaissance académique, la littérature francophone. Mais on ne manquera pas d’observer l’opposition soulignée entre « l’audience universelle » des « quelques maîtres » et les autres, car cette opposition est le lieu même de l’écartèlement des Leblond entre leur prix Goncourt, le roman colonial et leur existence en tant que représentants des lettres réunionnaises.

A titre d’illustration, on relèvera dans le même volume de la Pléiade, dans la partie consacrée à la littérature française du XVIIIe siècle, sous la plume d’Etiemble, ceci :

Tout de même, ce Parny qu’on associe trop naïvement à Léonard ou à Bertin, sous le prétexte évidemment décisif que ce sont des poètes créoles (autant associer Césaire l’Antillais à l’Antillais Saint-John Perse et les Eloges au Cahier d’un retour au pays natal) (p. 827)

Sous-entendu, chacun à sa place, à son lieu. Aux yeux d’Etiemble tout au moins, Saint-John Perse relève de la littérature universelle, tandis que Césaire est un représentant de la littérature antillaise (et en effet, en dehors de cette mention pour le moins latérale et indirecte, Césaire, dans ce volume trois de l’histoire des littératures est mentionné dans les littératures « connexes », Saint-John Perse dans la littérature française du XXe siècle).

On dira que cette collusion insidieuse entre d’une part une reconnaissance pour ainsi dire géographique de l’existence d’autres littératures que la littérature dite française, et d’autre part l’inévitable retour d’une hiérarchie implicite des valeurs est un défaut de jeunesse dans un ouvrage plutôt précurseur dans ce domaine. Il n’en est rien.

On retrouve cette même hiérarchie à l’œuvre chez les intellectuels de gauche les plus empressés, en apparence, à la [73] dénoncer. Que nous dit, par exemple, Bernard Mouralis dans un article intitulé : « Les littératures dites marginales ou les « contre-littératures », in L’Histoire littéraire aujourd’hui, Colin, 1990, p. 31 et suiv. ? Ceci : que l’historien littéraire d’aujourd’hui doit abandonner „une vision dogmatique du fait littéraire et, en particulier cet ethnocentrisme et cet élitisme qui conduisent à parler de ‚la‘ littérature au singulier“.

Or ‚la‘ littérature chez Mouralis s’oppose aussi bien à „la ‚littérature de colportage‘, la ‚bande dessinée‘ qu’à la ‚littérature africaine de langue française‘“.

Mouralis est-il donc un militant de la cause de la littérature africaine ? Ou n’est-il pas plutôt insidieusement élitiste ? Comment en effet situer sur le même plan le problème des petites ou très petites littératures, petites par leur audience, limitées par leur cadre de référence, et des genres infra-littéraires comme la bande dessinée ? En quoi ces littératures qui peuvent comprendre elles-mêmes des poèmes hermétiques aussi bien que de la bande dessinée, posent-elles le même type de problème exactement que des genres littéraires traditionnellement qualifiés de niveau inférieur? Quel est le fondement intellectuel d’une telle assimilation ? Au moins l’Histoire des littératures de la Pléiade ne mélangeait-elle pas les problèmes en distinguant hermétiquement les littératures connexes des littératures marginales[v].

Revenons à nos Leblond dont nous ne nous étions éloignés qu’en apparence.

S’il existe une littérature de l’océan indien, dans le volume de la Pléiade dont nous parlons ou bien dans tel manuel de littérature française[vi], et ailleurs, s’il existe une littérature réunionnaise, – et [74] donc une histoire de la littérature réunionnaise, ou une histoire des littératures de l’océan indien, – de telles littératures ne peuvent exister, c’est-à-dire être définies et historisées, qu’à partir de tensions que l’on se contentera ici d’esquisser.

D’une part cette tension entre l’existence dans le champ littéraire « français » d’une part, et l’existence dans le champ culturel « local ». Il est indéniable que la participation au champ littéraire français est porteuse d’une plus-value qui se traduit, par exemple dans les histoires littéraires locales par des rappels insistants. Les Leblond eux-mêmes, dans leur conférence sur « La Réunion et Paris » :

Leconte de Lisle et Edouard Hervé à l’Académie française, Léon Dierx prince des poètes, Joseph Bédier au Collège de France…(p. 5) [et eux-mêmes, pourraient-ils ajouter, prix Goncourt]

Aujourd’hui, une distinction même dissimulée ou déniée, sépare les écrivains réunionnais publiés chez de grands éditeurs et les écrivains publiés localement ou à compte d’auteur.

La seconde tension que je relèverai consiste dans la valeur estimative des écrivains, du passé comme du présent, qui ne se superpose pas simplement à l’importance de leur notoriété nationale. Une reconnaissance locale peut être accordée à des auteurs parfois difficiles, qui sont parfaitement ignorés à Paris. Cette distorsion entre l’estimation locale et la sous-estimation nationale repose sur une valorisation identitaire qui coexiste avec la reconnaissance déléguée des auteurs de renom national[vii].

Enfin, troisième tension, une histoire littéraire réunionnaise ne peut être perçue que comme une construction a posteriori qui ne prend sens qu’à partir de celui qui la conçoit. Elle ne repose pas, comme toute autre histoire littéraire sur un concept national-identitaire, ou régional-identitaire fort et permanent, puisque la Réunion a évolué dans son statut (de colonie à département) et a vécu la progressive mais radicale transformation de sa classe intellectuelle. Le simple terme de « créole » permet d’illustrer cette évolution : encore réservé chez les Leblond à la classe des colons blancs, il est [75] revendiqué aujourd’hui par toute la population réunionnaise. Etre créole aujourd’hui est une revendication identitaire qui n’a plus rien à voir avec celle du créole héros de la littérature coloniale dont En France offrait l’illustration.

Dans ces conditions que faire des Leblond et de leur prix Goncourt dans la perspective d’une histoire littéraire de la Réunion ?

Ils feront l’objet d’un rattrapage, alors même qu’une partie seulement de leur œuvre (importante il est vrai) concerne la Réunion[viii]. Mais ils ont incontestablement aux yeux de l’historien littéraire l’intérêt d’avoir inventorié, même à partir d’une classification coloniale, les principaux problèmes de la question identitaire réunionnaise. Or le mérite (récent) de certains critiques universitaires contemporains[ix] est d’avoir compris qu’il ne s’agissait pas de jeter le roman colonial à la poubelle de l’histoire comme l’ont fait leurs aînés, mais bien plutôt d’en analyser les enjeux.

Norbert Dodille

Université de La Réunion Bibliographie

« Les littératures dites marginales ou les « contre-littératures », L’Histoire littéraire aujourd’hui, Colin, 1990, p. 31 et suiv.

Caffier, Michel. L’Académie Goncourt, PUF, 1994, coll. « Que sais-je? » n° 2819

Cazemage, Benjamin. La Vie et l’œuvre de Marius-Ary Leblond, Nîmes, ed. Notre-Dame, 1969. Coll. « Les grands écrivains de l’île de la Réunion »

Deffoux, Léon, Chronique de l’Académie Goncourt, Librairie de Paris, Firmin-Didot et Cie, 1929

Delfau, Gérard, Roche, Anne, Histoire Littérature Histoire et interprétation du fait littéraire. Seuil, 1977, coll. « Pierres Vives ».

Descaves, Pierre, Mes Goncourt, Calmann-Lévy, 1949

Fournier, Catherine. Marius-Ary Leblond, écrivains et critiques d’art, L’Harmattan, 2001, coll. « Espace littéraire »

Le Roman colonial. Itinéraires et contacts de culture, vol. 7. Publication du Centre d’études francophones de l’université de Paris XIII/L’Harmattan, 1987

Larbaud, Valery, Ray, Marcel, Correspondance, 1899-1937, tome I, 1899-1909, Gallimard, 1979.

Leblond, Marius-Ary. Après l’exotisme de Loti, le roman colonial, Paris, Rasmussen, 1926.

Leblond, Marius-Ary. Conférence de Marius-Ary Leblond sur la Réunion et Paris, Imprimerie Albert Dubourg, St-Denis (Réunion), 1911.

Leblond, Marius-Ary. En France. Les éditions de l’imprimerie nationale de Monaco, 1950. Deux volumes.

Leblond, Marius-Ary. La Société française sous la Troisième république d‘après les romanciers contemporains, Paris, Félix Alcan, 1905

Marimoutou, Jean-Claude Carpanin. Le roman réunionnais : une problématique du même et de l’autre : essai sur la poétique du texte romanesque en situation de diglossie. [S.l.] : [s.n.], 1990. 2 vol. (466 p.) : ill. ; 30 cm. Thèse pour le doctorat d’Etat, Université de Montpellier. Cette thèse est disponible sur internet (http://www.litterature-reunionnaise.org)

Rosny (Aîné), J.-H. Mémoires de la vie littéraire. L’Académie Goncourt, Paris, Crès, 1927. [i] Max (1880-1957) et Alex (1881-1935) Fischer « ont l’air de deux Gugus de cirque » (Léautaud, 10 février 1909)


[ii] On peut prendre pour exemple générique le fameux manifeste du symbolisme de Moréas : « Ainsi le romantisme, après avoir sonné tous les tumultueux tocsins de la révolte, après avoir eu ses jours de gloire et de bataille, perdit de sa force et de sa grâce, abdiqua ses audaces héroïques, se fit rangé, sceptique et plein de bon sens ; dans l’honorable et mesquine tentative des Parnassiens, il espéra de fallacieux renouveaux, puis finalement, tel un monarque tombé en enfance, il se laissa déposer par le naturalisme auquel on ne peut accorder sérieusement qu’une valeur de protestation, légitime mais mal avisée, contre les fadeurs de quelques romanciers alors à la mode. »

[iii] Dans Après…,, p. 53, les Leblond font une critique très positive des Immémoriaux.

[iv] Claude Farrère et les frères Tharaud ont été retenus par l’Encyclopédie.

[v] Même langue de bois chez Dubois, cité par Mouralis : Dubois met dans le même sac les littératures régionales qui „subissant les effets du système institutionnel français fondé sur l’unification et la centralisation, se trouvent géographiquement et culturellement coupées des lieux dominants de production-diffusion et éloignées des instances décisives de consécration“ et les „littératures de masse“, les littératures „proscrites“ et les littératures „parallèles et sauvages“.

[vi] Cf B. Charbonnier et alii, Littérature, textes et documents, XIXe siècle, Nathan, 1998, coll. « Henri Mitterand » : une page est consacrée à l’Océan indien (Maurice, Réunion, Madagascar)

[vii] . Jean Albany est considéré par tous les critiques comme celui qui a fait entrer la poésie réunionnaise dans l’ère de la modernité. Or Albany a publié l’essentiel de son œuvre à compte d’auteur.

[viii] Ils sont aussi l’auteur d’un roman algérien et de nombreux textes sur Madagascar.

[ix] Cf. en particulier la troisième partie de la thèse de C. Marimoutou.

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Les nouvelles malgaches de Marius-Ary Leblond Posted on January 14, 2010 by dodille Les Leblond en leur temps

Je crois utile de commencer par quelques mots sur Marius-Ary Leblond, peu connus aujourd’hui, ou plutôt très oubliés, pour des raisons que nous serons peut-être amenés à évoquer.

Cependant, les Leblond font partie des débuts de l’histoire du prix Goncourt, dont on fête le centenaire cette année. Ils ont obtenu avec En France, le septième prix, en 1909.

Les mémoires et journaux intimes ou littéraires de l’époque font rarement mention des Leblond. Une seule dans le journal de Renard, quelques allusions chez Léautaud, Valery Larbaud (à cause du prix Goncourt), et c’est à peu près tout.

Cependant, en 1906, lorsque Léautaud fait l’inventaire des auteurs qu’il ne lit pas, et qui sont pourtant célèbres, il recense parmi les aînés Margueritte, Rosny, Mirbeau, et Lorrain, et parmi les jeunes qu’il qualifie de « plus ou moins vedette » : « Boylesve, Boulanger, Philippe Villetard, Frapié, Batilliat, Binet-Valmer, Boissière, Mme de Noailles, Farrère, Hirsch, frères Leblond » (12 décembre 1906) Qui sont les Leblond ?

Deux ouvrages seulement leur ont été consacrés qui peuvent être mentionnés, en dehors de quelques rares articles[1] : celui de Benjamin Cazemage, qui publie en 1969 une biographie, et une thèse de Catherine Fournier, publiée en 2001 chez l’Harmattan, sur Marius-Ary Leblond critiques d’art. Mais on peut imaginer, qu’à la faveur d’un certain retour des études concernant l’époque coloniale et sa littérature, les Leblond puisse retrouver un écho dans la littérature critique contemporaine.

Contrairement à ce que pensent Léautaud, Larbaud et d’autres, les Leblond ne sont pas frères, mais cousins.

Georges Athénas (alias Marius), né à Saint-Denis (au nord de l’île de la Réunion) en 1877 est d’origine grecque.

Aimé Merlo (alias Ary), est né en 1880 (il a donc vingt neuf ans au moment de l’attribution du prix Goncourt) à Saint-Pierre (au sud de l’île).

« Ils avaient choisi ‘Leblond’ parce que Georges aimait une blonde, ‘Marius et Ary’ parce que Marius et Henriette étaient respectivement les prénoms de leurs amoureuses » (Cazemage, p.18)

Dès 1896, à 19 ans, Georges Athénas fait un séjour de six mois à Paris, pour se faire soigner les yeux, mais aussi pour y entamer une carrière littéraire. A son retour à la Réunion, il se lance, avec Aimé Merlo, dans l’écriture à quatre mains.

Le modèle des Leblond est incontestablement le modèle naturaliste. Ils sont de fervents admirateurs des Rosny, auxquels Marius a été présenté, et écrivent à la fin du siècle leur premier roman sous le signe de Maupassant : Marie la Boule, qui deviendra : Le Zézère, et sera publié en 1903. En 1898, ils partent tous deux à Paris, pour y poursuivre leurs études à la Sorbonne.

En 1900, Aimé victime d’une malade des bronches, doit s’aliter, puis partir pour l’Algérie au climat favorable. Georges le suit. C’est, après la Réunion natale, leur première expérience du voyage colonial, qui vient confirmer les rencontres qu’ils ont pu faire dans le milieu colonial étudiant qu’ils décrivent dans En France. Ils publieront en 1907 l’Oued, « roman algérien », qui, tentant de mettre en scène et d’analyser les rapports entre colons et colonisés, peut être considéré comme leur premier « roman colonial ».

C’est en 1900 également qu’ils fondent leur première revue : La Grande France, revue d’inspiration colonialiste, qui paraîtra jusqu’en 1903, et dont le propos est d’opposer la grandeur morale de l’entreprise coloniale de la France à la simple volonté d’expansion coloniale des britanniques :

« Le titre seul de La Grande France est assez explicite. Il s’oppose à la formule Plus Grande Angleterre qui indique d’une façon assez indécente le désir de la nation britannique de s’augmenter aux dépens des autres. Il suffit à la France d’être moralement grande[2] »

Cette revue sera suivie, de 1912 à 1952 de l’hebdomadaire La Vie.

La Vie est elle aussi conforme au programme annoncé dans la Grande France. Mais elle aborde les sujets les plus divers : sciences, architecture, médecine, littérature, sports, politique internationale, et surtout arts, la revue s’attachant à reproduire des œuvres d’artistes contemporains, et contenant, de la plume des Leblond entre autres, de nombreuses critiques d’art. J’ai pu, en la consultant, relever la qualité des collaborateurs de la revue : Paul Claudel, Francis Jammes, Paul et Victor Margueritte, les frères Rosny, Pierre Mille, Paul Adam, Camille Mauclair, Bourdelle, Alphonse de Chateaubriant, Rachilde, Léon Hennique, René Ghil, Gustave Kahn, Sully Prudhomme, Félix Fénéon, Odilon Redon, St-Georges de Bouhélier, Maurice Denis, Paul Valéry, etc. Quant aux Leblond eux-mêmes, ils publient, dans leurs revues et dans d’autres, selon Catherine Fournier, plus de huit cents articles (p. 19).

Quant à l’œuvre de fiction elle se compose d’une vingtaine de romans, de recueils de nouvelles et de contes. Les Leblond et Madagascar

Incontestablement, les Leblond, en tant que Réunionnais, et aussi en tant que panégyristes du développement colonial, ont montré un très grand intérêt pour Madagascar à laquelle ils ont consacré une partie non négligeable de leur œuvre.

Sur Madagascar, les Leblond publient en 1906 La Grande Ile de Madagascar, qui présente l’histoire, la géographie, la culture et les arts du pays. Une réédition « entièrement remaniée et mise à jour » sera disponible en 1936. On peut y lire des descriptions enthousiastes, dont, afin d’entrer enfin dans le texte des Leblond, je souhaiterais donner un échantillon, à travers le tableau de la rade de Diego Suares[3] :

« L’Antiquité et la Modernité s’y composent richement, et le génie universel de la France qu’un instinct sûr d’expansion mondiale conduisit aux points les plus divers du Globe, s’y manifeste dans cette impression d’ensemble. Sur les talus, Antsirane présente bien de loin l’aspect général, gai et éclatant, de la ville neuve de toutes les colonies françaises, avec ses maisons européennes de brique et de tôle enveloppées de bocages, ses toits rouges semblables à des floraisons de flamboyants sous le feuillage transparent des gigantesques légumineuses. Mais c’est la rade, surtout qui séduit, immense et soyeuse, et toute colorée de ce cosmopolitisme naïf et pacifique qui caractérise l’animation de nos ports français exotiques en contraste avec ceux des Anglais ou d’autres.

Les bateliers somalis y sont plus joyeux qu’à Aden ; sur des barques agiles, des groupes de Sainte-Mariennes, à châles ramagés de rouge et de vert comme des cargaisons de cacatoès, s’immobilisent dans une voluptueuse curiosité, tandis que des piroguiers malgaches et des canotiers créoles s’injurient, en riant, de vocables pittoresques ; ils luttent à se dépasser les uns les autres à travers les boutres arabes arrondis au mouillage sous les mâts inclinés, des boutres vert-doré aux formes de caravelles. Un navire de guerre, svelte et blanc, passe entre deux cargos noirs des Messageries. Les matelots à l’exercice y évoluent. Le clairon sonne sur mer. Et dans ce paysage scintillant où nos orientalistes auraient la fortune de voir se mêler radieusement, sous une lumière poudroyante, des barques antiques à voiles fauves et de longs steamers écaillés des reflets d’une eau miroitante, le drapeau bleu, blanc, rouge, qui vibre avec force dans l’atmosphère limpide, est la note dominante, la note centrale du panorama maritime. »

La description prend clairement pour modèle la peinture exotique. Un exotisme qui s’appuie sur la variété des éléments du spectacle, mais que la colonisation ordonne. D’une certaine manière, ce passage résume assez bien un aspect de l’écriture coloniale des Leblond : rien de l’indigène et de sa culture n’est sacrifié, les petits personnages qui figurent dans le tableau jouent chacun le rôle qui lui est propre, dans son costume approprié, mais cette variété n’est telle et ne peut s’apprécier comme telle qu’à travers le regard du peintre. Or, ici, c’est le drapeau français qui fournit les couleurs dominantes, bleu (comme la mer), blanc (comme le navire qui passe) et rouge (comme le toit des maisons européennes, mais aussi comme une composante, alliée au vert, cette fois, des costumes bariolés des indigènes.) C’est ainsi que le rôle du colonisateur, chez des esthètes comme le sont les Leblond, est avant tout d’ordre harmonique. La colonisation est la condition de possibilité d’un exotisme pacifié et réjouissant, dont les bénéficiaires doivent être en premier lieu les acteurs indigènes. Et c’est en se souvenant d’un tel tableau que l’on peut concevoir l’idéologie coloniale française de la IIIe République comme un projet qui conjugue une éthique et une esthétique, comme une utopie en devenir. On ne s’étonnera pas de trouver parmi les plus efficaces dénonciateurs des erreurs et des brutalités coloniales, pour reprendre le titre d’Augagneur, ceux-là même qui voudraient le plus intensément faire vivre le tableau décrit par les Leblond[4].

Un second ouvrage, Madagascar, création française, paru beaucoup plus tard, en 1934, représente davantage une étude critique sur le fonctionnement de la colonisation à Madagascar. En 1937, ils publient Les Arts indigènes à Madagascar, avec des bois gravés de Robert Saldo.

Ajoutons qu’ils publient en 1920 Gallieni parle, une sorte d’ouvrage d’entretiens « avec ses secrétaires », mais dans lequel Gallieni ne parle pas de son expérience de gouverneur à Madagascar de 1896 à 1905[5].

Par ailleurs, la « Grande Ile » fait l’objet de nombreux articles dans La Vie.

Dans le domaine de la fiction, les Leblond ont écrit avant tout des nouvelles[6], disséminées dans divers recueils, et un petit roman, que j’aurais tendance à assimiler plutôt à une longue nouvelle : L’Ophélia. Les nouvelles malgaches.

L’esthétique des nouvelles des Leblond s’apparente à celle de ces nouvelles dont le genre a été perfectionné à la fin du siècle par des auteurs aussi différents que Barbey d’Aurevilly ou Maupassant et qui font s’exprimer un narrateur face à un interlocuteur, ou un public, quand il ne s’agit pas de narrations enchâssées les unes dans les autres.

L’un des topoï de cette forme consiste par exemple en la négociation de l’histoire au début de la nouvelle par le narrateur et le ou les narrataires. Je cite, pour être plus concret, deux exemples, dans lesquelles on reconnaîtra aisément la technique dont je parle :

« Quel est celui-là qui chante si fort ? demandai-je à Rasamuel, à la fois guide, porteur, cuisinier, interprète.

Ça ? dit-il avec la moue de la malice malgache, ça n’a pas de nom…Mais il y a une histoire sur sa famille.

Laquelle ?

Une histoire de Malgaches… Les Gaches, tu sais, sont bêtes…

A l’étape, sous une paillote dont la cendre suffoquait, nous nous abritions du feu de midi.

Allons, Rasamuel, je t’écoute ! (Etoiles, p. 108) »

Ou encore :

« Cette femme a été une jeune fille.

Cette femme est restée une jeune fille.

Elle est demeurée ce personnage introuvable, rarissime, unique, fabuleux dans un village malgache : une vierge !

Par quel miracle ? me demanderez-vous. » (« La Femme aux caïmans »)

La parole, dès lors, est donnée généralement à un Blanc[7], toujours colonial, c’est-à-dire connaisseur des milieux dont il parle.

Nous ne reviendrons pas ici sur l’esthétique du roman colonial, exposée entre autres par des écrivains comme Lebel, Pujarniscle et les frères Leblond, et qui consistera, à partir des années 25-30[8], à marquer la distinction entre le roman exotique, présentation des territoires lointains purement extérieure, superficielle, centralisatrice (vue de la métropole), et souvent dévalorisante à l’égard de l’action coloniale, et le roman colonial, qui affirme, lui, la supériorité du point de vue local. La littérature coloniale se veut être une littérature de propagande[9] qui défende et illustre l’action coloniale du point de vue du colon, et dans le même temps, une littérature qui tente de mettre en scène les visions du monde propres aux indigènes selon une esthétique qui se veut assez proche de celle d’un Segalen[10]. Dans les nouvelles des Sortilèges, par exemple, « roman des races de l’Océan Indien », il n’y a pas de narrateur mis en scène, et le point de vue adopté est successivement celui d’un indien (« Moutousami »), d’un Malgache (« Talata ») d’un Chinois (« Compère ») et d’un cafre (« Cafrine »). Dans ces nouvelles le Blanc peut être absent (« Talata ») ou apparaître à travers la reconstitution d’un regard indigène (« Moutousami »).

Quant aux histoires dans lesquelles un narrateur est impliqué, elles semblent avoir pour fonction de faire valoir, par delà les richesses naturelles ou commerciales que produisent les colonies, un trésor inépuisable d’histoires inconnues de l’Europe. Le point de vue de ce narrateur, ses commentaires, sa mise en scène de l’histoire sont dès lors fortement marqués, tout comme si le narrateur colonial avait à assumer le même ordre de mise en valeur des récits que le colon les produits de sa concession. Les colonies sont, aussi, une réserve d’histoires.

De ce point de vue, il n’est pas sans intérêt de noter la réserve de certains personnages des Leblond vis-à-vis des fonctionnaires[11]. Le fonctionnaire, omniprésent dans les colonies, est cependant, dans son esprit, l’antonyme du colon, qui représente le goût de l’aventure, la curiosité, le risque, et qui lui-même génère des histoires. Un bon fonctionnaire n’a pas d’histoire. Une histoire

Il me semble que l’on pourrait lire certaines nouvelles des Leblond comme autant de représentations d’une confrontation entre les mondes indigènes et européens qui nie, au contraire de ce qui se pratique chez la plupart des écrivains de l’exotisme colonial, leur impénétrabilité, leur juxtaposition, leur absence de relations réciproques. Les nouvelles, parfois proches des contes, affirment la possibilité d’une communication (l’histoire est d’ailleurs en elle-même une communication) qui n’est ni simple ni désespérée. Je me propose d’en donner seulement un exemple : « La femme aux caïmans »

L’histoire de la femme aux caïmans se joue sur plusieurs registres à la fois.

Il s’agit de cette fameuse vierge que j’ai mentionnée plus haut, et qui n’est demeurée vierge que parce qu’elle a choisi de s’entourer d’une cour de caïmans avec lesquels elle fait l’amour par l’intermédiaire de son vêtement intime qu’elle leur offre la nuit à renifler. Il s’agit donc d’abord, effectivement d’une forme de zoophilie fondée sur d’indéniables observations biologiques : « il paraît, nous dit le narrateur, que le musc du sexe faible a le don de les [les caïmans] anesthésier de jouissances au point de les rendre innocents comme des carpes. » Bien sûr, il faut que l’odeur soit forte, aussi « l’épouse des caïmans » se garde-t-elle bien de changer son linge.

Il s’agit aussi de pratiques magiques, donc « primitives ». Lévy-Bruhl atteste le rôle de l’échange de vêtement comme substitution de l’acte sexuel[12]. De plus, la femme aux caïmans sert d’intermédiaire entre les dangers personnifiés par ces animaux redoutables et les indigènes.

Mais ces pratiques magiques se doublent de pratiques commerciales : la femme monnaye cette intercession auprès des indigènes, qui ne peuvent traverser le marécage sans son aide. Son entremise lui assure un revenu non négligeable, qui lui provient, en somme, de ses maris bienveillants.

Il s’agit enfin d’une sorte de récit mythique.

Le scénario de la nouvelle consiste à démontrer comment, à partir de ces différents registres, une résolution de la différence européens/primitifs est possible.

La machinerie coloniale intervient de manière décisive sur le destin de la femme aux caïmans. Modernisation oblige, on va construire des quais et mettre en service un bac pour faciliter la traversée du marécage. Il s’agit là de travaux d’utilité publique, de ceux-là même par lesquels la colonisation se justifie. Mais on devine sans peine que cette modernisation ne fait pas les affaires de l’épouse des caïmans.

Le colonisateur aura la surprise de se heurter à une réaction négative de la part des indigènes dont on voulait cependant servir les intérêts. Leur résistance est « primitive », ils éprouvent une peur panique face à cette radicale altération de leurs habitudes. L’on devine aisément que cette angoisse « pré-logique » est le résultat d’une manipulation habile de la femme aux caïmans. Or, la résistance de la femme, elle, est d’un ordre logique : l’amélioration indéniable qu’apporte la civilisation coloniale (on va pouvoir traverser le marécage sans danger et plus rapidement) lui fait perdre de l’argent. On se situe donc au niveau d’une résistance à caractère social, qui se dissimule sous un prétexte d’ordre magique.

L’administrateur fait arrêter la femme. Et celle-ci, plutôt que de s’entêter dans sa résistance pseudo-magique au colonisateur décide de collaborer : elle se rend compte qu’elle peut participer aux bénéfices du progrès. Elle va donc substituer à son trafic de protections occultes l’organisation commerciale de la chasse au caïman. Et c’est par la vente des dépouilles de ses nombreux maris qu’elle va constituer sa nouvelle fortune.

Cette résolution « matérialiste » du conflit entre la modernité et la tradition procède certes de la négation d’une quelconque spiritualité primitive renvoyée à la prélogique. Mais on peut aussi se proposer de lire le redoublement de cette histoire au plan mythique. Le processus de la résolution est, selon nous, figuré par le passage de la sorcière à la princesse, du moins si l’on accepte de mettre en relation les deux descriptions (respectivement page 106 et 113) que voici et dont la première ouvre la nouvelle qui s’achève sur la seconde.

Voici donc le portrait de la femme aux caïmans devenue vieille :

« Ramatoa-Voay ! appela-t-il.

Dans la porte basse se voûte une Malgache vieille… Ah ! qui donc aurait pu s’attendre à ce qu’elle fût vieille, si horriblement ? … Sous un crâne pelé un visage noir, mou, quoique craquelé de rides dures, d’où giclent trois dents jaunes. Elle grogne quelque chose… mais a-t-elle parlé ou est-ce seulement la grimace d’une vieille bête dérangée, tirée de force en pleine lumière ? … Elle baisse vite ses yeux boueux. Seulement alors m’apparaît la paire de seins flasques effrayamment longs, pendants, qui de sa gorge desséchée plongent dans le vide, semblables aux racines visqueuses, déjà pourries, des pandanus sur les lagunes… Autour de ses reins se gonfle en bourrelet je ne sais quel lange – qui fut jadis rouge – sale, huileux, boucané !

Elle s’incline, s’incline à croire qu’elle veut se mettre à quatre pattes… Car sont-ce des jambes, des pieds ? … Extraordinairement bouffis comme les bulbes des sonjes qui baignent dans le jus pestilentiel des pangalanes, ils sont, par-ci par-là, écaillés d’une sorte de lèpre palustre. »

Et voici la jeune fille dont le portrait conclut la nouvelle :

« Nous étions arrivés sur la plage de sable mauve où poudroyaient les écumes de la mer monstrueuse. Droite, la hanche haute, une belle fille aux seins ronds, trempés, sortait des lames. La corbeille de crabes noirs et d’anguilles marines qu’elle portait sur sa tête lui faisait une grouillante chevelure de Méduse. D’un regard elle vit que nous riions, et elle-même, comme d’avoir compris, se prit à sourire d’aise en se cambrant »

La femme aux Caïmans, assimilée plus haut à Circé, vieille, horriblement laide et tueuse de ses nombreux maris, laisse place à une jeune fille fière de sa beauté. La femme du marécage à la jeune femme de la mer. Pourtant, cette figure de Méduse placée là comme une touche culturelle et flatteuse n’est pas sans rétablir, in fine, quelque marge, quelque jeu pour une nouvelle histoire. Si la mission colonisatrice a finalement pu s’entendre avec la vieille femme aux caïmans, de quelle manière intégrera-t-elle la Méduse ? Une autre histoire

Un autre postulat des nouvelles des Leblond est que l’homme blanc ne saurait impunément s’expatrier sous les tropiques. Il y faut de la force, une faculté d’adaptation au climat, de la compréhension des hommes, et peut-être, plus profondément, la faculté de pouvoir passer de l’autre côté, comme le suggère le titre d’un recueil de nouvelles : Passé la ligne « aventures sauvages ». Dans ce recueil, une nouvelle intitulée « La lumière qui tue » met en scène une des victimes coloniales qu’on rencontre ça et là dans les nouvelles : « Un Blanc doit supporter la lumière pour vivre dans les colonies » (p. 120)[13]

Choisissons l’Ophélia pour illustrer ce propos. C’est, justement, « l’histoire d’un naufrage ». Et si cette nouvelle nous propose une histoire, qui devrait être celle d’un autre naufrage puisque le naufrage de l’Ophélia est surtout au tout début ce qui donne occasion à l’histoire de se produire, elle nous raconte aussi, à travers l’agencement de décors et de personnages parus sortis d’un théâtre symboliste, l’effondrement d’une utopie.

Nous parlions plus haut de la lumière. Or, c’est un « piège de lumière » (ce sont les marins effrayés de l’Ophélia qui le constatent), qui va provoquer le naufrage :

Ce que ces marins, qui venaient de naufrager, sans connaître la terre où ils échouaient, sans savoir si un cargo pourrait venir les y prendre, ce que tout l’équipage regardait, c’était […] ces grands filets de lumière vertigineuse tendus tout autour de l’île comme des pièges à navire (p.32-33)

Renversement : dans cette zone de pêche controversée entre la France et l’Angleterre, c’est le navire qui est pris au filet. Mais la lumière est aussi ce qui tue Ange, l’épouse du capitaine Danel, le colon qui habite l’île auprès de laquelle s’est échoué le navire :

C’est une espèce de consomption générale… par suite de l’excès de lumière. Nous sommes ici dans une cage de soleil. Par dessus la réverbération de la mer, réverbération du sable. Par dessus la réverbération du sable, la réverbération du ciel (p. 41).

Revenons à l’histoire, au décor. Entre Madagascar et l’Afrique une petite île, José d’Aréna. Cette île est à peine une île, un effleurement de sable sur la mer, une ligne à peine perceptible au ras de l’horizon. Pas d’arbre, pas de végétation, seulement du sable et de la lumière. Une ligne : il suffirait d’une montée des eaux de quelques centimètres pour la faire disparaître. Sur cette esquisse d’île, cependant, un colon créole. Courageux. Il a obtenu du gouvernement français une concession qui lui donne la possibilité d’exploiter l’île pendant trente ans. Et cette île, bien que parfaitement inculte, dispose cependant d’un trésor : les oiseaux. Ceux-ci viennent y déposer, chaque année, des tonnes de guano que notre colon valorise au moyen d’une main d’œuvre indigène, et qu’il exporte.

Mais cette production est tout aussi fragile que l’île est mince. Une montée des flots, l’île disparaît. Un coup de fusil, les oiseaux s’envolent et ne reviennent plus. Cela ne dissuade pas le colon de travailler. Il a même prévu, pour les temps où le guano viendra à s’épuiser, de planter des cocotiers. Ses successeurs auront encore de quoi faire.

Le colon dispose également d’un surplus, d’une bonification du sort, d’un bienfait inattendu. Non loin de cette terre stérile, qui n’est pas même une terre, comme pour compenser partiellement l’ingratitude de cette exploitation toujours menacée, par la tempête, par le bruit, par la fureur des éléments ou des hommes, il y a des récifs de coraux à fleur d’eau. Et des navires qui, passant là, s’y écorchent. Notre colon ne vit pas seulement des excréments des volatiles, il profite aussi des restes des épaves. Le long des allées de son île sont disposés des bancs encore marqués des noms de navires échoués. Son salon, sa chambre, toutes les pièces de sa maison sont meublées luxueusement : bois précieux, cuivre, élégance austère des chambres de commandants de bord, des salons d’officiers de marine.

Tout, en somme, est à lui sans lui appartenir : l’île est une concession, les meubles maritimes en attente de réclamation des compagnies d’assurance. Mais qui viendra réclamer ici, quand chaque navire s’expose au naufrage ? Qui sait encore qu’il existe une île au ras des flots dont les titres de concession ont été oubliés au fond de quelque tiroir du ministère ? Le colon, qui s’enrichit de bon guano, profite d’un enviable confort d’autant plus solide que les meubles, même sur la terre ferme, sont amarrés, vit au crédit des circonstances. Tandis que sa femme se dissout lentement dans le soleil.

Quand survient l’Ophélia.

Le commandant de l’Ophélia, chose à considérer, est un homme nu. Au sens strict du terme. Il se promène nu, des pieds à la tête, sur son navire. Nu, il tient la barre, nu, il siffle ses hommes à qui il ne parle plus. Dès qu’il a franchi la ligne, ce Blanc, cet homme du Nord, un Saxon, c’est-à-dire un Anglais[14], se déshabille. C’est sa façon à lui de communier avec le monde de l’autre côté. Il s’appelle Cunold, autant dire Cul nu(d), mais on l’appelle le Gorille. Il a des poils sur la poitrine qui ressemblent au pelage d’un âne. Il y a du Shakespeare dans cette nouvelle : une sorte d’Ophélie qui se noie dans les flots du soleil, et un homme-âne qui s’en approche sournoisement.

Le capitaine Danel va recevoir les naufragés. A la condition expresse qu’ils se gardent bien de jamais tirer le moindre coup de feu, dont le bruit chasserait définitivement les oiseaux, il les abrite, les invite à sa table, y compris le commandant qui s’est habillé, comme il fait toujours, avant de descendre de son navire éventré par les coraux. Mais au bout de quelques jours, le commandant refuse de partager les repas de ses hôtes, auxquels, au demeurant, il n’adressait guère la parole. Il s’enferme dans la cahute qu’on lui a préparée, et rumine le rapport qu’il va fournir à la compagnie d’assurance. Et puis un jour, tandis qu’émue par la pitié Ange est venue lui rendre visite, il se décide à sortir, et fait la jeune femme monter sur son bateau.

Notre commandant Saxon a beau être bestial et barbare, il n’en est pas moins, selon le point de vue de Daniel, colon entreprenant et dynamique, un fonctionnaire[15]. Un Anglais doublé d’un fonctionnaire. Or, ce navigateur est habitué à des escales qui se produisent à intervalles réguliers. Son organisme s’est donc conditionné à l’apaisement de ses pulsions sexuelles selon un rythme à peu près immuable.

Mais le navire allemand qui devait croiser au large de l’île et sur lequel on comptait pour retenir les naufragés a pris du retard. Les délais habituels correspondant à un trajet en mer entre deux escales sont maintenant largement dépassés[16]. De là qu’après avoir introduit la jeune Ange dans sa cabine, le bestial saxon en manque d’escale libératrice se précipite sur cette femme anémique pour y déverser les excès de sa nature sanguine. Exigence irrépressible d’une sorte de fonctionnarisme du sexe.

On peut deviner le drame : Danel surgit à temps, tue le commandant d’un coup de fusil, et le bruit de la détonation fait fuir à jamais les oiseaux, ruinant ainsi définitivement l’entreprise coloniale du créole.

Pourtant, l’aventure coloniale continue, mais pour aller où ? Le navire allemand, déjà chargé de toutes sortes d’indigènes venus de partout, va prendre à son bord l’équipage, lui-même fort hétérogène, de l’Ophélia[17]. Le mot est des Leblond, nous voici dans une « arche », comme au temps du déluge. Et tout ce monde, sur le pont du navire, se réunit autour d’un gramophone nasillard. Tout ce monde danse, et la cacophonie monte dans la nuit tropicale, laissant au loin le silence inutile de l’île abandonnée[18] :

Et tous éclataient de rire.

Le gramophone riait plus fort.

Hamlet hurlait à la mort…

L’hélice faisait son bruit de tambour.

Dodille, Norbert, “Les nouvelles malgaches de Marius-Ary Leblond “, Revue historique des Mascareignes, vol. 5, n° 5 (Actes du Colloque organisé par l’Université de Tananarive, le CRLV de Paris Sorbonne, et le CRLHOI de l’Université de la Réunion, du 13-17 octobre 2003.) p. 223-33. [1] En particulier : Raphaël Barquissau, « L’œuvre de Marius-Ary Leblond », Bulletin de l’Amicale des Réunionnais de Paris, janvier 1959, n°5.


[2] Cité par Fournier, p. 77.

[3] Précisons tout de même qu’il s’agit ici d’un ouvrage dont la vocation est avant tout de faire aimer le pays décrit. Sans être tout à fait un guide, il s’agit d’un ouvrage de découverte.

[4] Si l’on voulait revenir sur cette période de manière intelligente, on pourrait peut-être se demander si, dans la période de l’entre-deux guerres, le fiasco de l’utopie coloniale n’a pas été précipité par le succès de l’utopie communiste qui d’une certaine manière lui succède dans les années trente. On peut être frappé par le fait que la démarche gidienne frappe de suspicion, on nom de la réalité qu’il observe en tant que voyageur, d’abord l’utopie coloniale dans le Voyage au Congo (1927), puis l’utopie communiste dans le Retour d’URSS (1936). Or, Gide se défendra à l’occasion aussi bien d’être anticolonial que d’être anticommuniste. On pourrait aussi citer l’évolution d’un Félicien Challaye, etc.

[5] Gallieni, il est vrai avait déjà publié « Neuf ans à Madagascar ». Rappelons qu’en 1927, Augagneur publiera Erreurs et brutalités coloniales, dénonciation de la manière selon lui lamentable dont selon lui a été réprimée la révolte de 1905 dans la province de Farafangana. Cependant, Augagneur en met pas en cause directement son prédécesseur. Galliéni était mort en 1916.

[6] Les Sortilèges, roman des races de l’Océan Indien, Paris, Fasquelle, 1905. La nouvelle qui concerne Madagascar dans ce recueil s’intitule: « Talata ». L’Ophélia, roman d’un naufrage, Paris, éd. de la Sirène, 1922. Fétiches, Paris, Aux éditions du monde nouveau, 1923. Les nouvelles qui concernent Madagascar dans ce recueil sont : « Dans le sable de Tamatave » ; « Les Pépites » ; « Le Frère de la brousse » ; « Le Tirailleur et son casque » ; Etoiles, Paris, J. Ferenczi et fils, 1928. Les nouvelles qui concernent Madagascar dans ce recueil sont : « L’Oiseau fady » ; « Le Revenant de l’or » ; « La Papillonne » ; « Creuseur de puits » ; « Le Supplice indien » ; « L’Homme qui a trouvé une étoile ». Passé la ligne, aventures sauvages, Paris, Les Œuvres représentatives, 1932. Les nouvelles qui concernent Madagascar dans ce recueil sont : « Madame Sénégalais » ; « La Femme aux caïmans » ; « La Lumière qui tue ».

[7] Mais pas toujours : le narrateur de « L’Oiseau fady » est un Malgache.

[8] Cf. Lebel, Roland, Histoire de la littérature coloniale en France, Paris, librairie Larose, 1931, 236 p. Leblond, Marius-Ary, Après l’exotisme de Loti, le roman colonial, Paris, Ramussen, 1926. Pujarniscle, Eugène, Philoxène ou de la littérature coloniale, préface de Pierre Mille, Paris, Ed. Firmin-Didot et Cie, 1931, 203 p. Vignaud, Jean, « La Littérature coloniale », conférence du 12 juin 1925, Causeries françaises, Paris, Cercle de la Librairie, 1925, 12 p.

[9] Le programme proposé par les Leblond qui consiste à envoyer dans les colonies des écrivains qui sachent les décrire sans parti pris pour en faire la promotion (cf. « Nos colonies ont-elles besoin de nos écrivains », La Vie, décembre 1923), pourrait être, une fois encore, rapproché des voyages à Moscou qui vont se multiplier à partir des années trente pour promouvoir le communisme.

[10] Dans Après…,, p. 53, les Leblond font une critique très positive des Immémoriaux.

[11] Cf, par exemple cette observation dans Etoiles : « Comme toujours, quand on ne fait pas appel aux compétences titularisées, le travail alla vite. »

[12] P. 74

[13] Inversement dans « La mouche de mer » (Fétiches), deux marins disparaissent au même endroit, victime d’on ne sait quoi tapis dans l’obscurité des eaux.

[14] Plusieurs nouvelles malgaches mettent en scène des Anglais, en particulier « Les Pépites » et « Le Revenant de l’or ».

[15] « Les commandants comme ceux-ci sont des fonctionnaires », p. 74

[16] « Son tempérament à éruptions avait en quelque façon réglé ses coulées selon l’almanach des traversées ; mais qu’un retard survînt dans le rythme des escales, son sang se bouleverrsait et se soulevaitt de fureur », p. 141.

[17] « Ramassé de bric et de broc sur les quais de Liverpool, il se composait de Goanais, d’Indiens anglais et de Chinois qui ne communiquaient guère entre eux »

[18] Tout cela paraît clair. Il reste cependant un surplus. Un personnage dont je n’ai pas parlé, un personnage sans importance, le second, justement, du commandant. Un Canadien, qui, pendant que son supérieur se promène nu sur le pont au grand effroi de l’équipage, s’enferme dans sa cabine pour jouer de la flûte devant le portrait de sa femme et de ses enfants. Cela ne l’empêchera pas, une fois sur l’île de courtiser une jeune Malgache qui, heureusement bonne chrétienne, saura lui résister – malgré l’attrait qu’exerce sur elle le son merveilleux et inconnu de la flûte. Ce personnage de Canadien, qui s’appelle Sacy, traverse l’histoire sans y laisser la moindre trace. Esquisse d’histoire d’amour et d’harmonie, sans suite.

– Dodille, Norbert, “Les nouvelles malgaches de Marius-Ary Leblond “, Revue historique des Mascareignes, vol. 5, n° 5 (Actes du Colloque organisé par l’Université de Tananarive, le CRLV de Paris Sorbonne, et le CRLHOI de l’Université de la Réunion, du 13-17 octobre 2003.) p. 223-33.

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Il a par la suite officié en tant que secrétaire du maréchal Joseph Gallieni de 1914 à 1916.

Il est mort commandeur de la Légion d'honneur[1].

Ils occupèrent des postes publics, Georges comme secrétaire du maréchal Gallieni de 1914 à 1916

Ils sont inhumés au cimetière de Vaugirard, deuxième division, номер 122.

Твори

  • En France, roman, 1909 — «У Франції», Ґонкурівська премія
  • La France devant l'Europe, essai, coll. « Bibliothèque-Charpentier », Éditions Fasquelle, 1913. Texte sur Gallica — «Франція перед Європою»
  • Le Zézère, roman : amours de Blancs et de Noirs, Fasquelle, 1903 — «Зезере»
  • Le Secret des robes, roman des couleurs, en Algérie, Fasquelle — «Таємниця суконь»
  • La Sarabande, roman de mœurs électorales, Fasquelle, 1904 ; réédité sous le titre La Kermesse noire, roman d'une élection aux colonies, 1934 — «Сарабанда» (1904), 1934 року видано під назвою «Чорний ярмарок»
  • Les Sortilèges, roman des races de l'Océan Indien, Fasquelle, 1905 — «Чаклунство»
  • L'Oued, roman algérien, Fasquelle — «Ваді»
  • Anicette et Pierre Desrades, roman d'une enfance créole, Fasquelle — «Анісет і П'єр Дерад»
  • Le Miracle de la race, roman, Albin Michel ; grande édition aux « Maîtres du Livre », chez Crès — «Чудо раси»
  • L'Ophélia, roman d'un naufrage, Crès — «Офелія, роман про корабельну аварію»
  • La Grande Île de Madagascar, à « La Vie », essai, prix de l'Académie française, 1906 — «Великий острів Мадагаскар», Премія Французької академії
  • Fétiches, contes de l'Océan Indien, Éditions du Monde Moderne — «Фетиші»
  • Ulysse, Cafre, roman, à « La Vie », 1924 — «Улісс, кафр»
  • Le Noël du Roi Mandjar, avec 15 aquarelles d'Ary Leblond, édition de luxe à « La Vie » — «Різдво короля Манджара»
  • Étoiles, Océan Indien, Ferenczi — «Зірки»
  • Les Martyrs de la République Ferenczi et Fils : — «Мученики Республіки»
    • I. La Guerre des Âmes — «Земля душ»
    • II. L'Écartèlement — «Страждання»
    • III. La Damnation — «Прокляття»
    • IV. La Grâce — «Змилування»
  • Les Vies parallèles, roman de grande ville, Fasquelle — «Паралельні життєві шляхи»
  • La Métropole — «Столиця»
    • I. En France, roman, prix Goncourt — «У Франції», Ґонкурівська премія
    • II. Les Jardins de Paris, roman, Fasquelle — «Паризькі сади»
  • L'Amour sur la montagne, roman, à « La Vie » — «Кохання на горі»
  • Nature, proses, dessins de George Bouche, Delpeuch — «Природа»
  • La Pologne vivante, Perrin — «Жива Польща»
  • La Société française sous la Troisième République, Alcan — «Французьке суспільство за часів Третьої Республіки»
  • L'Idéal du XIX Siècle, prix de la critique littéraire 1911 — «Ідеал XIX століття», Премія літературної критики
  • Galliéni parle..., 2 volumes, Albin Michel — «Ґаллієні говорить...»
  • Peintres de Races, études sur l'Art Européen, van Oest — «Художники рас»
  • Anthologie coloniale, morceaux choisis d'écrivains français, J. Peyronnet et Cie, 1929 — «Колоніальна антологія, вибрані уривки з творів французьких письменників»
  • Île de la Réunion, Exposition coloniale internationale de Paris, Société d'Éditions Géographiques , Maritimes et Coloniales, 1931. Texte sur Gallica — «Життя Реюньйону»
  • Leconte de Lisle, essai sur le génie créole, Mercure de France, 1906 ; rééd. 1930, 1933 sous le titre Leconte de Lisle d'après des documents nouveaux, MdF ; rééd. Leconte de Lisle, Essai sur le Génie créole, préface d'Edgard Pich, commentaires de Jean-François Reverzy, Grand Océan, 1995 — «Леконт де Ліль» (1906); 1930, 1933 перевидано під назвою «Леконт де Ліль за новими документами»; 1995 перевидано під назвою «Леконт де Ліль, есей про креольського генія»
  • Articles sur Leconte de Lisle — Статті про Леконта де Ліля
    • L'Adolescence de Leconte de Lisle, Revue des revues, t. XXX, 1899, 15 août (p. 379-394) et 1er septembre (p. 483-497) — «Юність Леконта де Ліля»
    • Leconte de Lisle avant la Révolution de 1848, « Mercure de France », septembre 1901, p. 659-699. Texte sur Gallica — «Леконт де Ліль перед революцією 1848 року»
    • Leconte de Lisle sous la seconde République et sous l'Empire, « Mercure de France », octobre 1901, p. 54-98. Texte sur Gallica — «Леконт де Ліль за часів Другої Республіки та Імперії»
    • Leconte de Lisle, 1870-1871, la fin de sa vie, « Mercure de France », novembre 1901, p. 400-435. Texte sur Gallica — «Леконт де Ліль, 1870 — 1871, кінець життя»
    • Sur les romances inédites de Leconte de Lisle, L'Hermitage, octobre 1901, p. 289-307 — «Про неопубліковані романси Леконта де Ліля»
    • Les Poèmes socialistes de Leconte de Lisle de 1845 à 1848, « Revue socialiste », № 203, novembre 1901, p. 563-574. Texte sur Gallica — «Соціалістичні поеми Леконта де Ліля, 1845 — 1848»
    • L'Idéal socialiste de Leconte de Lisle, « Revue socialiste », № 205, janvier 1902, p. 36-49. Texte sur Gallica — «Соціалістичний ідеал Леконта де Ліля»
    • Leconte de Lisle et son pays, Humanité nouvelle, septembre-octobre 1903, p. 501-519 et 599-610. — «Леконт де Ліль і його країна»
  • Vie de Vercingétorix, deux vol., Denoël, grand prix de l'Académie française — «Життя Верцинґеторікса», Велика премія Французької академії

Рекомендована література

  • Benjamin Cazemage, La Vie et l'œuvre de Marius-Ary Leblond, éditions Notre-Dame, Nîmes, 1969 — «Життя і твори Маріуса-Арі Леблона»
  • Jean-François Reverzy, Marius-Ary Leblond et Leconte de Lisle : une écriture fraternelle au centre de l'union française et républicaine, postface de Leconte de Lisle, essai sur le Génie créole, Grand Océan, Saint-Denis, 1995, p. 373-382 — «Маріус-Арі Леблон і Леконт де Ліль: почерк братерства в осерді Французького і республіканського союзів»
  • Catherine Fournier, Marius-Ary Leblond, écrivains et critiques d'art, l'Harmattan, 2001 — «Маріус-Арі Леблон, письменники і мистецтвознавці»

Цікавинки

  • У співавторів Жоржа Атена й Еме Мерло спільний псевдонім Арі-Леблон постав завдяки закоханості. «Леблон» (Leblond) — через те, що Жорж закохався у блондинку, а Еме упадав за дівчиною, що звалася Анрієтта. Звідти взялося «Арі» (Cazemage, p.18)Cazemage, Benjamin. La Vie et l’œuvre de Marius-Ary Leblond, Nîmes, ed. Notre-Dame, 1969. Coll. « Les grands écrivains de l’île de la Réunion »

Ім'я «Еме» вибрано тому, що Мерло був закоханий


Джерела

Посилання

  1. Base Léonore[fr], ministère français de la Culture (ред.). Cote LH/62/14. (фр.).